Le grand responsable, c’est Geoff Molson

Texte : Emmanuel Raymond (collaborateur spécial) 

On va se dire une chose. La chute progressive de l’intérêt du public envers le CH coïncide avec le retour des Molson comme propriétaires.

À l’époque de George Gillett (ancien propriétaire des Canadiens), Ray Lalonde dépensait énormément d’énergie pour renouveler le côté spectacle et marketing du CH et ce, en permanence. Il a fait de Montréal, à cette époque, un leader dans la LNH sur le plan de l’expérience client dans un amphithéâtre de hockey.

Les fameux enfants qui portent les drapeaux, par exemple, c’était lui… Mais c’était original il y a 10 ans! Et Ray cherchait continuellement de nouvelles idées. S’il était encore en poste aujourd’hui, les drapeaux auraient fait place à autre chose.

Ray Lalonde a littéralement fait le tour des 29 autres amphithéâtres de la Ligue nationale afin d’observer leurs techniques et tirer le meilleur, et durant cette ère – alors que sur la glace, c’était au mieux moyen (l’ère Koivu) – sur le plan de l’intérêt général du public, c’était un véritable renouveau.

On vantait les mérites de Pierre Boivin qui avait su rajeunir la clientèle suite à la fin de l’ère Molson de la fin des années 1990.

Et voilà qu’avec le retour des Molson à la barre, sur le plan business, on recommence à stagner.

On n’innove plus, on ne cherche plus à procurer aux spectateurs quelque chose d’unique lorsqu’ils se déplacent au Centre Bell, peu importe que l’équipe gagne ou perde. Le renouveau continuel nécessaire au succès n’y est plus du tout.

On cherche à faire taire la critique et à «lisser» l’image des joueurs.

Or, qu’on le veuille ou non, ce qui fait que le spectateur s’attache aux joueurs, c’est parce qu’il y a un lien émotif avec ceux-ci, parfois semblable à celui qu’on peut développer, par exemple, avec les idoles de télé-réalité, qu’on se plaît à aimer ou à haïr au gré des événements du jour.

On peut penser, par exemple, à l’ère de 110%.

Voir vilipender sans retenue un joueur à la télé, c’était tous les soirs à l’époque. Ça créait du drame, et bien que les stratèges en communications du CH puissent croire que ce phénomène nuisait à l’équipe, bien au contraire, cela créait de l’intérêt en rendant les joueurs plus humains, plus proches des fans pour le meilleur et pour le pire.

Quand les joueurs deviennent de plus en plus perçus par le public comme des “enfants d’école” sages, traités avec des gants blancs par les groupes médiatiques ayant les droits de diffusion, ce lien émotif disparaît progressivement, et l’indifférence s’installe.

La stabilité, cet ennemi (mortel)…

Enfin, le dernier grand mal responsable de la chute de l’intérêt du public? On tue l’espoir.

Cette stabilité dont fait l’éloge Geoff Molson depuis des années signifie, en période d’échec sur la patinoire, une acceptation de l’échec.

Le responsable, c’est Geoff!

Auparavant, le partisan conservait de l’intérêt en période de crise en «se défoulant» à regarder Jean Perron ou Michel Bergeron s’indigner des performances du CH à la télévision, et en élaborant des scénarios d’échanges, de congédiement de l’entraîneur ou de congédiement du GM.

Ces simples spéculations de changements étaient suffisantes pour conserver la base de partisans engagée et intéressée.

La défaite n’était pas acceptable et on savait qu’au pire, à moyen terme, il y aurait du changement.

Plus maintenant.

– Maintenant, le DG peut rester en poste, peu importe les succès de l’équipe.

– Le coach doit rester en poste, peu importe les succès de l’équipe. Parce qu’il possède un long contrat…

– L’équipe de recrutement reste en poste, malgré ses échecs répétés. On préfère blâmer la malchance.

– Les coachs du club-école sont toujours en poste, peu importe leurs succès tant au niveau de l’équipe qu’au niveau du développement.

Et quant aux échanges, n’y pensez même pas! C’est bien trop difficile, nous dit-on…

L’équipe, par ses paroles et par ses actes, accepte la défaite, et dit aux fans de ne pas trop espérer…

Ne vous demandez donc pas comment s’est progressivement installé ce désintérêt envers l’équipe.

Dans une ville comme Montréal, l’ère Gillett/Boivin/Lalonde a démontré que l’équipe pouvait être médiocre/épouvantable, mais que sur le plan business, ça pouvait simultanément être une époque remplie de succès, d’intérêt et de cotes d’écoute.

Il n’y a donc pas d’excuses.

C’est un constat d’échec total pour Geoff Molson.

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