Les Canadiens sont éliminés, alors tout le monde se lance sur son compte Twitter pour être le premier à lancer sa vérité sur la raison principale de ce grand malheur qui a frappé la communauté des sportifs de salon. Comme s’il n’y avait qu’une seule raison et qu’une seule solution.
Personnellement, je suis déçu du résultat, mais franchement je suis malgré tout heureux d’avoir profité de chaque seconde de cette série qui a été âprement disputée sous le signe de la vitesse et de la robustesse. On ne peut pas dire que les joueurs n’ont pas tout donné.
Le hockey est d’abord et avant tout un sport d’équipe alors de vouloir mettre la faute ou le crédit sur un seul joueur est une incongruité totale. Donc, Pacioretty ou Price ne peuvent être LA raison de cette élimination hâtive. Ça ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont rien à se reprocher. L’impact d’un joueur a une importance, même s’il n’explique pas tout.
Dans le même ordre d’idée, un joueur qui n’a pas participé à une série peut difficilement avoir un impact sur celle-ci. Ainsi, ceux qui nous ramènent le spectre de P.K. Subban peuvent bien dire ce qu’ils veulent, on ne saura jamais de quelle façon il aurait pu tirer son épingle du jeu s’il avait toujours été le défenseur numéro un des Canadiens. Je le répète, on ne le saura JAMAIS.
Ceci étant dit, les résultats des matchs sont dictés par une panoplie de facteurs et c’est l’ensemble de ceux-ci dont il faut tenir compte. Ensuite, il sera nécessaire pour les grands patrons de voir à prendre les décisions qui s’imposent pour améliorer leur équipe et par le fait même le produit qu’ils offrent à leur clientèle. Alors bien humblement, voici mon bilan de cette série et de la saison des Canadiens.
Carey Price est trop important
Carey Price a terminé la saison et les séries éliminatoires avec des statistiques dignes de l’élite de son sport. On peut en conclure qu’il a donc accompli son boulot de meilleur joueur de son équipe. Mais je me dois d’y mettre un bémol.
Je pourrais prendre chacun des 179 tirs qu’il a reçus durant la série et les analyser pour finir par dire qu’il a plus souvent réussi des arrêts sur des tirs difficiles qu’il n’a laissé passer des tirs en apparence simples à stopper. Par contre, lorsque vous êtes de loin le meilleur joueur de votre équipe, de surcroît son leader incontesté, on s’attend de vous que vous soyez imparable dans les situations corsées.
Price a accordé des buts qu’il n’accorde pratiquement jamais dans les trois derniers matchs de la série. Des tirs entre les jambières ou entre son corps et sa mitaine. Évidemment, ces erreurs, si on peut les appeler ainsi, prennent une proportion énorme en séries éliminatoires. Et particulièrement lorsque votre attaque est aussi anémique que celle des Canadiens.
Price a eu d’excellents chiffres lors de cette série, en effet. Mais parmi les 16 gardiens qui ont joué en éliminatoires jusqu’à maintenant, il a terminé au 6e rang pour le pourcentage d’arrêts et au 5e pour la moyenne de buts alloués. C’est très bien, mais à peine mieux que la moyenne. Bref, en séries, il faut être mieux que très bon pour gagner. Et Price avait le devoir d’être le meilleur parce qu’il est le meilleur.
Si Price n’est plus parmi les trois meilleurs gardiens de la LNH, les Canadiens s’affaiblissent. Son importance est définitivement trop grande parce que l’attaque ne compense pas.
Une attaque sans mordant
En saison régulière, les hommes de Claude Julien ont maintenu une moyenne de 2,72 buts par match, bonne pour le 15e rang dans la LNH. En séries, cette moyenne a chuté à 1,83, bonne pour le 14e rang… sur 16 au moment d’écrire ces lignes. C’est presque un but par match de moins. Vous me direz qu’il se marque moins de buts en séries. C’est vrai, mais pas à ce point. En saison régulière, la moyenne de la LNH fut de 2,73 buts par match par équipe alors qu’en séries éliminatoires jusqu’à maintenant, elle est de 2,46.
Les Rangers ont su tirer profit de la faiblesse numéro un des Canadiens, sa ligne de centre, pour se concentrer sur les ailiers. Peu d’entrées de zone ont été effectuées par le centre, rares ont été les incursions des attaquants tricolores dans l’enclave et peu de passes provenant de l’arrière du filet de Lundqvist ont trouvé preneur pour des tirs dangereux.
Si les joueurs des Canadiens ont réussi à diriger en moyenne 34,3 tirs par match (contre 30,2 pour les Rangers) c’est grâce à la combativité des ailiers comme Lehkonen, Gallagher et Radulov. Mais combien de ces tirs ont été réellement dangereux et surtout combien de ces tirs ont été le résultat de rebonds récupérés par des joueurs qui arrivaient à battre les défenseurs des Rangers?
Ceci dit, la stratégie d’envoyer le maximum de rondelles au filet était la bonne. Simplement parce que les Canadiens n’ont pas les joueurs de centre qu’il faut pour contrôler la rondelle en entrée de zone pour créer des patrons d’attaque qui auraient pu déranger les défenseurs et le gardien de but adverse.
En fait, le seul attaquant des Canadiens qui allie combativité et talent pur est Alex Radulov. Qu’a-t-il fait face aux Rangers? Il a obtenu 7 points en 6 matchs. Le hockey en séries éliminatoires est plus serré et le jeu défensif plus hermétique. Ce n’est donc pas seulement sur un gardien encore meilleur qu’il faut miser, mais sur une attaque talentueuse et hargneuse qui saura profiter des rares opportunités qui lui sont offertes.
Max Pacioretty aurait-il pu faire plus?
Sincèrement, on pourra dire ce que l’on veut de Max Pacioretty, il devra se lever de bonne heure celui qui voudra me faire croire que ce joueur n’a pas à coeur les succès de son équipe. On ne pourra pas dire non plus qu’il n’a pas essayé. Mais on peut se demander si son style de jeu est fait pour les séries par contre.
Pacioretty n’est pas un power forward. Il ne se mettra donc pas à frapper tout ce qui bouge du jour au lendemain. Bien qu’il pourrait essayer de travailler sur ses habiletés à se créer de l’espace pour lui-même, son problème principal reste qu’il devient beaucoup moins efficace si on ne lui remet pas la rondelle dans les zones privilégiées.
Radulov était l’homme pour le faire, mais les Rangers ont mis l’emphase sur Pacioretty. Ils ont pris le pari d’empêcher systématiquement le meilleur marqueur des Canadiens de se rendre dans l’enclave. Ainsi, les options de Radulov allaient être de moins bonnes qualité. Pacioretty a dû se battre contre Dan Girardi tout au long de la série pendant que McDonagh s’occupait du reste. Ce duo a fait du bon travail pour contrer Pacio. Au bout du compte, ça aura été payant.
Mais encore une fois, est-ce qu’un centre plus talentueux que Philip Danault aurait pu apporter une solution supplémentaire? J’adore Danault, mais il me semble évident qu’un centre top niveau aurait fait en sorte que les défenseurs des Rangers auraient été obligés de laisser un peu d’air à Pacioretty. Mais bon, qui sait s’il aurait réussi à marquer pour autant?
Shea Weber est une bête
On pourra crier à qui veut l’entendre que Shea Weber est moins bon que P.K. Subban, il n’en demeure pas moins qu’il a été le meilleur défenseur du Tricolore soir après soir. Sa présence devant le filet de Carey Price, son travail pour sortir la rondelle de son territoire et couper court aux aspirations des attaquants new-yorkais et la menace de son tir ravageur auront eu un impact certain sur cette série.
Est-ce qu’il a été parfait? Absolument pas, mais qui l’a été? Est-ce que P.K. Subban aurait fait mieux que lui? Je m’en fous un peu. La réalité est que les Predators auraient éliminé les Blackhawks avec Weber et que les Canadiens auraient perdu face aux Rangers avec Subban.
Vivement Sergachev et j’espère qu’il aura un développement plus rapide que la moyenne pour venir supporter Weber plus tôt que tard.
Le quatrième trio
Sérieusement mes amis, est-ce que vous avez réellement envie de mettre quoi que ce soit sur le dos du quatrième trio pour expliquer l’élimination de vos favoris? Dwight King est lent. Steve Ott passe plus de temps à flatter les cheveux de ses adversaires qu’à contrôler la rondelle. Martinsen est-il meilleur que McCarron? S’il-vous-plaît, regardez ailleurs.
Alex Galchenyuk et Nathan Beaulieu
J’ai écrit plus tôt cette saison que Galchenyuk et Beaulieu seraient des clés du succès pour Claude Julien. Comme ça arrive souvent, plusieurs lecteurs ont ri de cette affirmation. Juste comme ça, je n’ai pas écrit LES clés du succès, mais DES clés du succès. Ainsi, tout ne reposait évidemment pas sur leurs épaules, mais leur contribution se devait d’être significative pour que les Canadiens puissent se positionner parmi l’élite du circuit.
Le dernier match de la saison nous aura donné une partie de l’explication de la défaite. Beaulieu, un choix de première ronde en 2011 que plusieurs espéraient voir évoluer à la gauche de Weber cette saison, n’a même pas été jugé apte à disputer la rencontre. Ce joueur au coup de patin fluide et aux habiletés offensives respectables est d’une inconstance déconcertante au point que son entraîneur refuse de lui faire confiance. C’est honteux.
Alex Galchenyuk est un de mes favoris, je vous l’avoue. Lorsqu’il joue avec confiance, il attaque la zone adverse avec force, vitesse et habileté. Son tir vif et précis est digne d’un marqueur de 30 buts, ce qu’il a d’ailleurs accompli pas plus tard que la saison dernière. Ce 3e choix au total en 2012 qui représentait l’avenir de l’équipe au centre a amorcé un match sans lendemain à l’aile droite d’un trio complété par Brian Flynn et Paul Byron. Wow!
Ok, ces deux lurons aiment faire la fête. Ok, les deux ont un papa qui prend beaucoup de place dans leur vie. Ok, ils sont populaires, riches et arrogants. Mais est-ce que quelqu’un peut me dire comment il se fait que nos deux clowns stagnent à ce point dans leur développement? Quand ça fait 3-4-5 ans que tu évolues dans la LNH entouré de gars comme Carey Price, Max Pacioretty, Andrei Markov, Tomas Plekanec et maintenant Shea Weber, il me semble que tu as tout ce qu’il te faut comme modèle.
L’inutilité de Galchenyuk et Beaulieu dans cette série aura été une clé importante des insuccès de Claude Julien.
Les solutions
Les problèmes sont faciles à souligner à première vue. Mais ils demeurent plus complexes à adresser qu’on pense. Je le dis souvent, mais on observe tout ça de bien loin. On connaît très mal les relations entre les individus au sein de l’organisation. On ne sait pas non plus qui travaille vraiment fort à l’extérieur de la glace par rapport aux autres. On ne sait pas qui regarde des vidéos et qui ne le fait pas. Bref, on ne sait pas toujours quel est l’impact d’un joueur sur l’ensemble du groupe et comment il peut être remplacé s’il quitte.
Ceci dit, nous demeurons des gérants d’estrade et à ce titre, nous avons le droit de proposer des solutions. En voici quelques-unes :
1- Tester la valeur de Carey Price sur le marché.
Price est le meilleur joueur de l’équipe et un des meilleurs de la ligue. Mais la position qu’il occupe, si importante soit-elle, ne peut pas être la pièce maîtresse d’une équipe championne. Alors avant de lui offrir un contrat mirobolant qu’il aura le loisir de refuser soit dit en passant, il est impératif que Marc Bergevin teste sa valeur sur le marché. Si un homologue était prêt à lui offrir un vrai jeune centre numéro un, un bon défenseur et un prospect de haut niveau, il se devrait de tendre l’oreille attentivement. Par exemple (oui c’est farfelu), si les Jets lui offraient Mark Scheifele avec Josh Morrissey et Jack Roslovic, Bergevin serait dans l’obligation de dire oui. Et franchement, l’équipe serait certainement capable de faire les séries l’an prochain.
Le hic, c’est que le marché des gardiens de but ne semble clairement pas très fort. Fleury n’a pas été échangé, Bishop n’a pas rapporté la lune au Lightning. Il faut donc modérer nos attentes de ce côté.
2- Tout foutre en l’air et recommencer
Je déteste cette option et j’y crois peu. Surtout avec Trevor Timmins et le système de développement actuel des Canadiens. Mais si on recommence à zéro, on peut aussi le faire avec un autre directeur général. Personnellement, je ne suis pas certain que ce soit la meilleure idée. La stabilité a ses vertus et Marc Bergevin n’est pas aussi old school qu’on aime bien le dépeindre. D’ailleurs, j’aimerais rappeler à tout le monde que les Canadiens viennent de terminer au premier rang de leur division.
Mais il y a certainement des éléments au haut de la pyramide hockey de l’organisation qui sont là depuis trop longtemps pour les résultats qu’on obtient aujourd’hui. Un peu de fraîcheur au 7e étage?
3- Simplement trouver un vrai joueur de centre
Si les Canadiens amorçaient la prochaine saison avec une formation quasi identique à celle qui a terminé la dernière, mais avec un centre numéro un, est-ce qu’ils deviendraient une formation d’élite? Si Danault patrouillait le 2e trio et Plekanec le troisième, mais que Galchenyuk et Beaulieu permettaient de mettre la main sur Matt Duchene, est-ce que le CH pourrait croire en ses chances?
Et si Sergachev s’avérait être une solution de rechange adéquate pour Beaulieu pendant que Markov pouvait jouer une dernière campagne à gauche de Weber, est-ce que finalement, on aurait pas là une solution moins drastique que tout ce qu’on lit et une opportunité de retourner en séries avec de vraies chances de gagner?
Sur ce, je vous souhaite à tous de continuer de suivre les séries éliminatoires avec intérêt. Il y a encore du beau hockey à voir. Et si le hockey se résume à une équipe pour vous et qu’elle est éliminée, alors je vous dis bon été. La vie est belle quand on prend le temps d’en profiter.