Michel Therrien est-il bon pour motiver ses troupes?

Le CH traverse présentement sa pire crise depuis longtemps ayant perdu 9 de ses 10 derniers matchs. L’entraineur semble à court de solutions, alors qu’on l’a vu blâmer ses défenseurs pour la défaite contre les Stars ainsi que ses gardiens pour celle face aux Predators. Avant la rencontre face au Wild, il a cru bon de « motiver » ses troupes en disant que son équipe manquait simplement de chance depuis quelques rencontres. On a vu face au Wild que ça va prendre plus que ça.

Qu’est-ce que Michel Therrien devra faire afin de freiner la série de défaites? Comment pourrait-il davantage motiver ses joueurs ?

Dans ce premier article, il sera question des choses à ne pas faire pour motiver un athlète (en se basant sur des études réalisées dans le domaine de la psychologie du sport) et j’offrirai ensuite de meilleurs solutions pour augmenter la motivation de l’équipe.

Je tenterai d’utiliser des exemples qui s’appliquent à notre Sainte Flanelle afin de mieux comprendre les décisions que prennent les entraîneurs du CH et le directeur général. Le coach a un rôle important dans le niveau de motivation de ses joueurs et certaines actions peuvent être effectuées pour favoriser l’augmentation de celle-ci. Michel Therrien est-il bon pour motiver ses troupes?

Utiliser des exercices pour punir
Il s’agit de la plus commune des formes de punitions utilisées par les coachs et les professeurs d’éducation physique.

3 raisons pour éviter cette façon de faire :

  1. Les athlètes ne devraient pas associer l’exercice physique à quelque chose de négatif surtout si les coachs veulent que leurs athlètes restent en bonne forme physique.
  1. Le but de punir une personne est de prévenir la récurrence de certains comportements indésirables. Ainsi, la punition doit être une expérience désagréable et l’athlète doit le comprendre comme une conséquence directe pour son mauvais comportement. La non-participation à une compétition est probablement une meilleure façon de punir un athlète qui ne fait pas assez d’effort ou qui ne suit pas les règles d’équipe. On a vu récemment l’impact que cela pouvait avoir sur Nathan Beaulieu. Mis de côté pour une partie, il a ensuite eu ce qui était probablement sa meilleure performance de la saison. Les athlètes sont des individus fiers et Nate the Great a sans doute été fouetté dans son orgueil.

Une autre façon de punir un joueur dans le hockey est de lui réduire son temps de glace ou de le « clouer » au banc pendant quelques présences… à condition que cette technique soit bien utilisée. D’ailleurs, plusieurs personnes se demandent de plus en plus ce qui motive les décisions du coach à ce niveau, depuis quelques rencontres. Pourquoi donner aussi peu de temps de jeu à Galchenyuk lors des dernières rencontres, alors qu’il est l’un des seuls à avoir des chances de marquer de façon régulière? Pourquoi donner beaucoup de temps de glace à des joueurs qui sont en léthargie et qui en arrachent (comme Plekanec ou Desharnais)? On le verra un peu plus loin, ne pas traiter ses joueurs de la même façon peut nuire à la motivation des joueurs. Avec les rumeurs qui sont sorties la semaine dernière sur une possible relation tendue entre Galchenyuk et son entraîneur, il est permis de se demander si ce n’est pas pour cette raison que Michel ne fait pas joueur son jeune joueur de centre autant. Et ça, ce ne serait pas bon pour tous et chacun…

  1. Si un athlète associe l’exercice physique à quelque chose de négatif, il y a plus de chance que cet athlète devienne sédentaire lorsque sa carrière sportive se terminera.

Je souhaite spécifier que la plupart des entraîneurs au niveau professionnel savent qu’il faut éviter ce type de punitions. Il s’agit donc d’une pratique qui est de moins en moins répandue.

Le « pep talk » d’avant-match
Le pep talk (ou discours de motivation d’avant-match) du coach est moins important que ce que l’on croit. En fait, plusieurs facteurs influencent la réponse de l’athlète à ce discours et il existe une grande variabilité individuelle. Alors que certains préfèrent un discours plus agressif, d’autres veulent le moins de distraction et de bruit possible avant un match. Les gardiens, par exemple, préfèrent généralement être « dans leur bulle ».

Certains coachs en profitent pour revoir les stratégies du match une dernière fois. On a vu Claude Julien et Michel Therrien le faire dans le premier épisode de 24/7 : En route pour la classique hivernale. D’ailleurs, l’entraineur des Bruins semble particulièrement efficace pour motiver ses troupes.

Le pep talk doit être bref, simple et aller right to the point. Et très important : il ne faut pas utiliser la culpabilité (« Il ne faudrait pas qu’on perde contre cette équipe minable… »), la menace (« Si vous ne la gagnez pas ce soir, vous allez le payer demain à l’entrainement ») ou un ton condescendant (« Si vous ne pouvez pas gagner contre eux, vous n’avez rien à faire dans cette équipe »).

« Nos adversaires sont faibles »
Il ne faut JAMAIS prendre une équipe à la légère. Pourquoi ?

  1. Chaque match est différent et il existe tellement de facteurs différents qui entrent en compte dans l’équation qu’il est impossible de prévoir les vainqueurs d’une partie.
  1. Si l’équipe perd, les athlètes vont se sentir encore plus humiliés que s’ils avaient perdu face à une équipe meilleure. S’ils gagnent les joueurs vont attribuer la victoire à une tâche facile (plutôt que leurs propres habiletés et efforts). Les athlètes veulent penser que leur succès est dû à leurs compétences, leur niveau de préparation, d’entrainement et d’effort et non parce que l’autre équipe est mauvaise.
  1. C’est irréaliste de penser qu’une équipe n’a que des faiblesses et aucunes forces. Chaque équipe peut gagner.
  1. Les athlètes ont généralement de l’empathie et du respect entre eux. Certains athlètes croient que critiquer un autre compétiteur n’est pas éthique et que c’est déloyal.

On l’a vu cette saison. Les Hurricanes de la Caroline étaient bon derniers dans la ligue lorsqu’ils ont affronté le Canadien le 5 décembre dernier. Ils ont pourtant réussi à l’emporter. Le Canadien a ensuite perdu 5 de leurs 6 matchs suivants. Est-ce que leur confiance a été ébranlée par la défaite du 5 décembre?

Il y a quelques saisons, Lars Eller avait dit des Oilers d’Edmonton qu’ils ressemblaient à une équipe junior. Le CH avait perdu ce match. Les conséquences d’une défaite contre une équipe qui, à première vue, semble beaucoup plus faible peuvent être grandes. Comment Eller se sentait-il après cette défaite ? Probablement humilié…

« Notre but est de gagner »
Gagner ne doit pas être le but premier. Se concentrer sur les performances individuelles plutôt que sur le résultat final est plus productif et motivant. La victoire doit plutôt être un objectif secondaire.

Autrement dit, la victoire devrait être une conséquence d’un effort conjugué de chacun des joueurs ou, à tout le moins, de la plupart d’entre eux.

Des exemples de buts plus motivants :

« Je veux gagner au moins 50% de mes mises en jeu » ou « Je ne veux pas qu’un but soit compté par l’autre équipe quand je serai sur la glace aujourd’hui ».

D’ailleurs, je ne crois pas avoir entendu Claude Julien ou Michel Terrien (dans Road to the Winter Classic) dire avant un match que l’objectif est la victoire. Ils misent plutôt sur des aspects techniques et sur le plan de match pour motiver les troupes : des passes précises, garder un effort constant, être intense, etc.

Ne pas traiter tous les joueurs de la même façon
Démontrer du favoritisme ou de l’inconsistance envers un ou des joueurs aurait un impact négatif sur la motivation des troupes.

On peut se demander si ce n’est pas ce que Therrien fait avec certains de ces joueurs. J’ai donné l’exemple de Galchenyuk précédemment mais il y en a un autre qui subit un sort défavorable malgré de bonnes performances. Andrighetto a été laissé de côté lors des dernières rencontres malgré ses 4 buts (lui et Galchenyuk sont ceux qui ont marqué le plus de buts depuis la blessure à Gallagher) pour faire de la place à McCarron. On sait que Therrien est plus patient avec ses vétérans mais il fonctionne beaucoup au mérite aussi normalement (les joueurs doivent mériter leur place). Est-ce que le coach du Canadien traite Andrighetto et Galchenyuk différement? Pourquoi laisse-t-il Sven Andrighetto de côté alors que son équipe ne compte même pas 2 buts en moyenne par rencontre depuis quelques matchs?

Être plus dur avec un joueur en particulier peut avoir un impact négatif sur toute l’équipe. Certains joueurs sont très proches et sont de bons amis à l’extérieur de la glace. Voir un ami qui n’est pas traité à sa juste valeur peut affecter un joueur et nuire à sa concentration. #EffetDomino

« S’ils ne se plaignent pas, c’est parce qu’ils sont heureux »
Un joueur silencieux n’est pas nécessairement heureux. Une attitude négative peut être un poison pour le climat de l’équipe et peut réduire la cohésion de l’équipe.

Un joueur qui ne parle pas dans le vestiaire ressent peut-être de la frustration. Il sait peut-être que « ça ne donne rien » d’en parler et que le coach ne l’écoutera pas.

Je ne dis pas que certains joueurs du Canadiens sont frustrés ou malheureux. Mais lorsque vous regarderez Road to the Winter Classic ou 24CH (qui reviendra en 2016), gardez ça en tête.

« Qu’est-ce que les athlètes savent exactement ? »
Les bons coachs communiquent de façon constructive avec leurs athlètes durant les pratiques et les parties. Les athlètes peuvent en apprendre au coach. Par exemple, si un jeu n’a pas marché, le joueur a peut-être une idée sur la raison pourquoi ça n’a pas fonctionné. Il faut l’écouter.

Les joueurs peuvent avoir des réponses à certaines questions que le coach se pose :

Quelles sont nos faiblesses sur lesquelles nous devront travailler?

L’autre équipe a-t-elle une faiblesse que nous pouvons utiliser à notre avantage?

Selon vous, Therrien est-il un bon communicateur? Et… Est-il un bon listener?

Le discours d’après-match
Une bonne performance doit être renforcée après la compétition. Le coach ne devrait jamais attribuer une victoire à de la chance ou à un adversaire plus faible. Dans une partie, les deux équipes souhaitent généralement gagner donc pourquoi s’enlever le crédit si notre équipe a effectivement remporté la victoire? Le coach devrait plutôt mettre l’accent sur l’effort, les compétences de ses joueurs et le niveau de compétitivité de ses joueurs.

Michel Therrien a dit après la défaite à Nashville que son équipe manquait simplement de chance et qu’éventuellement, la chance allait changer de côté. Il s’agit d’une très mauvaise déclaration car les joueurs ne se sentent ainsi plus responsables pour les défaites précédentes et peuvent être portés à fournir moins d’effort lors de la rencontre suivante (car la chance se chargera de leur donner la victoire). Il faut faire attention. À vouloir trop les cajoler et les protéger, tu peux leur nuire, au final…

Ce qui est plus dur dans le discours d’après-match, c’est de rester rationnel et professionnel suite à une défaite. Il ne faut pas parler de détails sur les stratégies après une rencontre, ce n’est pas le bon moment. Nous aurons peut-être la chance d’analyser un peu plus cet aspect de Therrien dans les prochains épisodes de 24/7 : En route vers la Classique Hivernale et ensuite, lorsque 24CH reviendra sur les ondes.

L’agressivité
Certains coachs aiment renforcer leur rôle de leader en étant agressif, en criant et en ayant des remarques colériques. Ce n’est pas une très bonne idée. Les bons coachs font que tous les membres de l’équipe se sentent responsables des résultats de l’équipe.

On a entendu plusieurs histoires sur John Tortorella et son attitude colérique avec les joueurs. Avec certains joueurs, ça peut marcher. Mais de façon générale, il s’agit d’une attitude à éviter le plus possible.

La peur
Certains coachs aiment que leurs athlètes aient peur d’eux. Pourtant, la peur entraîne plutôt du ressentiment et les joueurs se sentent moins loyaux envers le coach.

Conséquences? Le joueur pourrait décider qu’il ne suit plus le plan de match et qu’il ne fait qu’à sa tête. La peur et l’anxiété diminuent le focus attentionnel, la vitesse et la précision du processus informationnel et compromettent l’effort optimal qu’un joueur peut fournir.

Avec les années, on a vu plusieurs jeunes joueurs qui ont été écartés de la formation du Canadiens après une seule mauvaise performance. On le sait, Michel Terrien a parfois la mèche plus courte avec les jeunes qu’avec les vétérans. Et avec les joueurs dit unidimensionnels (offensivement)…

Sauf qu’être mis de côté après une seule contre-performance peut nuire à la confiance de l’athlète et instaurer un climat de peur et d’anxiété chez celui-ci. Lorsqu’il réintégrera l’alignement, il risque d’avoir peur de commettre une erreur. Et il en commettra davantage…

À la lumière de ce que vous venez de lire : Michel Therrien est-il un bon coach? Est-il bon pour motiver ses troupes?

J’espère que vous avez apprécié ce premier article. Les commentaires et propositions sont les bienvenues. Le champ de la psychologie sportive est vaste et n’hésitez pas à commenter et/ou à m’envoyer vos idées de sujet ou vos questions.

Référence : Anshel, M. H. (2011). Sport psychology: From theory to practice. Pearson Higher Ed.

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