Weber un défenseur ordinaire? Blâmez les analystes, et non la statistique | Marquer plus de buts que l’autre équipe est tout ce qui importe

Au cours des derniers jours, le scepticisme à l’égard des statistiques avancées a été nourri par les analyses très critiques envers Shea Weber. Matt Pfeffer, un ancien employé du Canadien, est tombé dans l’hyperbole en affirmant que ce dernier était un défenseur moyen dans la LNH, et qu’il n’y avait rien de mal à être un joueur ordinaire dans la meilleure ligue au monde.

Personnellement, je trouve ces déclarations très frustrantes parce qu’elles donnent une bien mauvaise image à quiconque qui tentera de documenter de façon intelligente son point en utilisant des données. Comment voulez-vous qu’une personne non initiée à ces statistiques accepte de leur porter un intérêt, lorsqu’un spécialiste en la matière accouche d’une conclusion aussi peu nuancée?

Parfois, le problème est davantage l’analyste que la statistique. Je m’explique.

Essentiellement, la statistique est parfaite en ce sens qu’elle donne une information objective, claire, nette et précise. Si Weber est sur la glace alors que l’adversaire décoche plusieurs tirs, c’est un fait. On ne peut même pas débattre de cette réalité.

Ça se complique au moment où l’individu doit prendre compte de ce fait, et s’en servir pour établir ses propres liens, sa propre analyse, et finalement, sa propre conclusion.

«Shea Weber est un piètre défenseur, puisque son équipe accorde énormément de tirs alors qu’il est sur la patinoire,» affirmeront certains.

Or, est-ce que la statistique a formellement indiqué que Weber était un piètre défenseur? Non. Elle a donné une information qui a été interprétée de la sorte. Voici d’autres questions auxquels il faudrait répondre.

– Jusqu’à quel point Josi a-t-il nui à Weber défensivement? Il a peiné à limiter le nombre de lancers contre son camp dès que Suter a levé les feutres, et dès qu’on l’a jumelé au Suisse.
– Pour combien de tirs contre son camp Weber est-il exactement responsable?
– Est-ce que les tirs qui sont directement accordés par Weber sont généralement menaçants, et compliquent le travail du gardien?
– Quelles responsabilités Peter Laviolette a-t-il confiées à Weber sur la patinoire?
– Comment Weber se comportera-t-il dans le système de Michel Therrien, versus celui de Peter Laviolette?
– Si Weber a régressé, comment expliquer que ses statistiques offensives sont sensiblement demeurées les mêmes? Certains argueront qu’il n’a simplement rien perdu de son boulet de canon, mais son nombre de passes est lui aussi constant.

Je ne prétends pas avoir réponse à toutes ces interrogations. Mais, puisqu’on a échangé des défenseurs qui seront assis dans la même chaise avec leur équipe respective, on saura rapidement qui a eu la main heureuse lorsque la saison régulière se mettra en branle.

J’utilise les mêmes statistiques avancées qu’à peu près tout le monde. Ma conclusion?

«Weber est un excellent défenseur, qui, sans la rondelle, étouffe les attaquants adverses. Il est moins impliqué dans le jeu à cinq contre cinq que Subban et certainement moins dynamique. Son jeu de pieds n’est ni extraordinaire, ni mauvais et il ne transporte que très rarement le disque. Les joueurs autour de lui jouiront forcément de plus de touches de rondelle et de temps de possession qu’ils n’en auraient eu avec Subban, mais d’un autre côté, ce n’est pas forcément une mauvaise chose qu’un individu aussi talentueux que ce dernier la possède régulièrement. Les jeux que Weber exécutera seront plus simples et directs. Weber est supérieur en avantage numérique. Weber a excellé en possession de rondelle avec des défenseurs comme Suter et Keith, mais pas avec Josi, donc il sera intéressant de voir de quel bois il se chauffe avec un partenaire différent. Il est reconnu pour limiter les chances de marquer de grade A, et c’est pas mal la seule chose qui peut donner des ennuis à un gardien comme Carey Price. Subban est un catalyseur, un moteur offensif qui change l’influence d’un match par ses propres moyens. À preuve, il a été le meilleur pointeur de la Flanelle durant toutes les séries éliminatoires sous Bergevin. Au final, je préfère Subban, puisqu’il est plus jeune, et son impact individuel sur les performances de son équipe est plus prononcé, mais Weber est un défenseur de première paire, et un très bon, même. Je suis parfaitement conscient que je pourrais avoir tort, mais je suis porté à privilégier cette opinion avec les informations que j’ai à ma disposition. Et j’ai très hâte de voir qui aura raison dès le mois d’octobre. Aussi, ne jouons pas à l’autruche: il y avait des problèmes plus profonds concernant Subban, à l’extérieur de la patinoire. Or, il est impossible de mesurer leurs conséquences directes sur la glace. Je trouve ça dommage qu’une supervedette nous ait quitté par conséquent, mais qui sait, Bergevin avait peut-être de bonnes raisons de tirer sur la gâchette.»

En 2012-2103, Jiri Tlusy a inscrit plus de points que Zach Parise, Logan Couture, P.K. Subban, Mikko Koivu, Jordan Eberle, Brad Marchand, Corey Perry, James Neal, Jaromir Jagr, Jeff Carter, Evander Kane, Justin Williams, Tomas Plekanec, Jarome Iginla, David Krecji, Jamie benn, Evgeni Malkin, James van Riemsdyk, Michael Cammallerri, Tyler Seguin, Patrice Bergeron, Wayne Simmonds, Patrick Marleau, Joe Pavelski et Ilya Kovalchuk.

À cette époque, j’aurais pu utiliser cette donnée pour affirmer que Jiri Tlusty était une supervedette, supérieure aux joueurs mentionnés plus haut. Est-ce que cette théorie devrait enlever de la crédibilité à la statistique des points? Évidemment que non. Les points ne veulent pas «rien dire», simplement parce que Tlusty a surpris un peu tout le monde durant le lock-out, pour ensuite retomber sur Terre. C’est mon analyse qu’il faut blâmer à ce moment, et seulement mon analyse.

Pfeffer était bien parti…

Matt Pfeffer était pourtant si bien parti dans son analyse. Il a saisi un concept qui échappe à plusieurs adeptes de ces statistiques.

«Mon évaluation de Shea Weber accorde une très faible importance au différentiel de tirs. Avec son expérience et sa longévité, tu dois plutôt t’intéresser au différentiel de buts pour mesurer son impact. Tu as seulement besoin du Corsi quand tu n’as pas un échantillon de buts assez imposant. Mon analyse de Weber n’a presque rien à voir avec le Corsi. C’est facile de détester les indices de possession, mais Weber n’est pas meilleur pour ce qui est de générer et limiter des buts. Il n’a pas une grande influence, positive ou négative, sur le nombre de buts que les Prédateurs marquent et accordent avec et sans lui.»

On oublie qu’au final, l’objectif est d’enfiler plus de buts que l’autre équipe. On utilise les tentatives de tirs et les indices de possession puisqu’ils nous donnent un bien plus grand échantillon. Dans tous les aspects de la vie, une petite quantité de données est trompeuse, et de moins en moins de buts se marquent dans la LNH. Lors d’un match, on parle de quatre à cinq évènements. Cela laisse beaucoup de place au hasard.

Par exemple, je joue au deck hockey durant l’été. Quand j’embarque sur la surface, je peux effectuer quatre ou cinq bons jeux, pour finalement voir mon gardien flancher sur un tir anodin. On m’accole alors un «-«. Mon coéquipier joufflu me remplace, perd son homme et voit son gardien y aller d’un arrêt spectaculaire. Son bilan est neutre. Mais à plus long terme, tout cela tend vers l’équilibre et la chance s’égalise.

Le «he gets on base» du hockey, ce n’est pas «il améliore la possession». C’est «il permet à son équipe de marquer plus de buts qu’elle en encaisse». Tout le reste est anecdotique lorsqu’il est question de résultat victorieux. 

Attaquons-nous donc à un méga-échantillon! Je fouille le plus loin que je peux dans les archives de Corsica.hockey… 

Lorsqu’on prend en compte tous les matchs que les deux joueurs ont disputé de 2007 à 2016 (+ de 8000 minutes de jeu!), avec les séries, on en vient à la conclusion suivante: le pourcentage des buts marqués par le Canadien (versus ceux enfoncés contre son camp) augmente de 5,80% lorsque Subban et sur la glace, et de 2,95% pour Weber.

La colonne qui nous intéresse est le Rel.GF%. 

Présumons, pour le bien de l’exercice, que Josi était un boulet, et limitons-nous aux années du duo Suter-Weber… donc de 2007 à 2012.

Le passé nous indique que Subban a été meilleur que Weber pour réaliser l’objectif ultime du hockey: marquer plus de buts que l’autre équipe. Toutefois, l’échantillon de Weber est plus gros puisqu’il a fait ses débuts dans la LNH avant Subban. Et Subban n’avait pas d’ores et déjà un rôle exigeant de numéro un lors de ses premières saisons dans la Ligue. Une autre question s’impose: jusqu’à quel point cela était-il imposé par les conditions de leur environnement respectif (coéquipiers, confrontations, qualité du gardien, système de jeu, stratégie imposée au joueur, entraîneur, etc.)? L’avenir nous le dira.

Parfois, dans la vie, il faut reconnaître certaines vérités déprimantes. Le plus grand problème des statistiques avancées qui sont publiques est le suivant: il est difficile d’isoler la contribution individuelle d’un joueur en se servant de données telles que le différentiel de but ou de tirs, qui sont influencées par le travail d’une unité de cinq qui comprend chaque fois l’individu ciblé. C’est exactement là que se situe la marge d’erreur. Or, le fait qu’on s’intéresse exclusivement aux unités de cinq composées du joueur en question nous permet d’accéder à des informations qui sont sans aucun doute, à un certain degré, influencées par ses performances. On s’accroche donc à ce degré de contribution, et on évalue tous les joueurs sous ces mêmes conditions, pour avoir un aperçu intéressant, qui est plus élaboré que celui offert par les statistiques traditionnel, mais encore imparfait.

Mais doit-on rejeter systématiquement ce qui est imparfait? Tirez-en vos propres conclusions.

L’avantage des statistiques est qu’elles compensent pour notre subjectivité. Un humain peut essayer d’être le plus objectif possible, il demeure sujet à toute sorte de biais, et il doit les confronter, au lieu de les ignorer. D’autre part, l’avantage qu’a l’oeil est de pouvoir capter des informations qui n’ont jusqu’à maintenant pas été couvertes par les statistiques qu’on connaît aujourd’hui. Des trucs aussi élaborés que l’application d’un système, la méthode de patinage, les patrons de jeu, les trajets préconisés avec la rondelle, les zones privilégiées, et plus encore. L’oeil peut voir tout ça, ce qui ouvre la porte à un monde de possibilités. Le hic, c’est qu’il ne classifie pas l’information aussi efficacement que les statistiques. Aussi, la mémoire humaine peut être trompeuse, et sélective. Tout de suite après un match, on ne réussit à se souvenir clairement que d’une poignée de séquences, alors qu’une joute en contient en réalité des centaines. On peut y remédier en étant très rigoureux, et à l’aide de plusieurs séances vidéo. Au cours d’une année, les entraineurs vont passer en revue des tonnes de reprises, puisque chaque évènement est souvent du cas par cas.

Le débat entre l’analyse visuelle et les statistiques n’a donc pas lieu d’être. Il s’agit de deux pratiques complémentaires.

Sujet clos. Maintenant, attendons.

En rafale
– Un dossier important devrait bientôt être réglé à Calgary.

https://twitter.com/NicholsOnHockey/status/755170200459194368

– Rappel: P.K. Subban a eu son premier bain de foule à Nashville. (La Presse)

– Derick Brassard est sous le choc. (Radio-Canada)

– Cristiano Ronaldo donne des nouvelles de sa blessure. (Radio-Canada)

– Nikita Nesterov remplacera Voynov à la Coupe du monde. Bonne affaire! (TVA Sports)

– Matt Pfeffer a été contraint d’annuler son entrevue à la radio, en raison de sa récente bourde…

Je ne peux m’empêcher d’avoir un peu pitié pour le jeune, qui se fait varloper à la moindre erreur… C’est ça, Montréal…

– Le directeur de recrutement des Cards en prison pour piratage. (La Presse Sports) #MLB

– Les Nordiques ne sont peut-être pas revenus, mais on continue de voir le logo un peu partout… Comme pour les Expos…

– Les Generals d’Oshawa procèdent à une embauche.

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