La 2e ronde: l’étang stratégique du repêchage

C’est l’histoire de deux pêcheurs.

Le premier, Bob, possède les hameçons les plus sophistiqués. Il a dû payer le gros prix pour chacun d’eux, quitte à accepter d’en avoir moins. Cette année, ses ambitions sont plus fortes que jamais: le plus gros poisson est dans son viseur.

Le deuxième, Trevor, a amené plusieurs appâts de plus ou moins bonne qualité. Il connait presque autant le lac que Bob. Bien qu’ils partagent parfois des opinions différentes à savoir quel endroit prioriser ou quelle espèce cibler pour effectuer une bonne récolte, ils travaillent avec des informations semblables.

La règle stipule qu’un seul hameçon peut être utilisé par poisson. Bob n’en a que 5, mais de très bons. Trevor en détient 9.

Trevor a finalement gagné. Cette journée n’était pas particulièrement bonne pour la récolte et Bob a joué de malchance: à l’exception d’un gros, de très maigres poissons ont mordu à ses hameçons haut de gamme. À l’autre bout du spectre, Trevor a été chanceux: le hasard a voulu qu’un banc se soit formé à l’endroit où il avait décidé de se camper, et il a obtenu par chance un gros poisson et 8 autres de taille moyenne.

La pêche étant un loisir laissant beaucoup de place au hasard et à la chance, Trevor a été bien avisé de jouer les probabilités en agrandissant son échantillon de prises. Bref, en se donnant plus de chances… d’être chanceux!

La 2e ronde: un étang que l’on peut quitter les mains pleines

Vous aurez compris que Bob est le directeur du recrutement qui s’avance à la table du repêchage avec seulement 5 sélections, mais deux en 1re ronde dont une dans le top-10. Trevor repêche en milieu de 1re ronde, mais détient deux choix de 2e tour et 6 autres éparpillés dans les rondes 3 à 7.

Comme l’explique Brad Pitt dans le film «MoneyBall», les éclaireurs peuvent être optimistes par rapport à un espoir et avoir de bonnes raisons de miser sur son potentiel, mais au bout du compte: ils ne savent rien. Ils ne savent pas comment celui-ci se développera. Quel type de joueur il finira par devenir dans la LNH. Quelle blessure pourrait l’atteindre. Bref, les bons directeurs du recrutement sauront admettre, malgré eux, que la chance joue un grand rôle dans le repêchage, qui est une science inexacte. Ceux qui acceptent cette réalité saisissent mieux le concept d’augmenter ses chances en privilégiant parfois la quantité à la qualité.

Ainsi, la 2e ronde est un étang stratégique où poser ses lignes. Il existe un écart significatif entre la valeur d’un choix de 1er et 2e tour sur le marché. Et il demeure beaucoup plus probable d’y dénicher un bon joueur que dans les rondes 3 à 7. Choisir dans ces environs devient donc, peu à peu, un rapport qualité-prix fort intéressant pour une équipe de la ligue nationale et surtout le meilleur compromis entre la quantité et la qualité. Un directeur général muni de plusieurs sélections de 2e ronde a entre ses mains le potentiel de faire beaucoup de dommages.

Tenez, cette année, deux choix de 2e ronde de 2015 ont disputé leur premier match dans la LNH: Daniel Sprong des Penguins et Oliver Kylington des Flames. Ajoutons qu’au début des camps d’entrainement, le défenseur Brendan Guhle des Sabres faisait forte impression avant de se faire solidement cogner par Dion Phaneuf.

En 2015, le CH n’a repêché que 5 joueurs, et aucun en 2e ronde; en 2014, 6, et encore aucun au 2e tour. Ce sont de très mauvaises conditions pour réaliser un excellent repêchage, voire un qui se veut au-dessus de la moyenne des équipes.

Heureusement, il en possède jusqu’à maintenant 7 en vue du prochain encan. Du lot, il a deux sélections dans ce fameux étang stratégique. Sans compter sa position favorable au 1er tour. Enfin quelque chose qui promet.

On peut classer les espoirs de deuxième ronde en trois catégories.
1) Ils avaient le talent et l’étoffe pour être repêchés au 1er tour, mais ont simplement été ignorés au profit d’autres joueurs tout aussi bons, sinon meilleurs. Les espoirs de cette catégorie sont les moins nombreux.
2) Ils démontrent de belles qualités, mais n’ont simplement pas le potentiel pour justifier d’être sélectionnés aussi tôt. Pas de grands défauts, mais rien qui leur fait sortir du lot.
3) Ils ont un talent et un potentiel fous, mais représentent un risque important pour toute sorte de raisons (coup de patin déficient, mince gabarit, mauvaise attitude, historique de blessures, etc).

Il existe plusieurs façons de voir les choses. Certaines équipes auront comme objectif premier de repêcher les joueurs avec les plus grandes probabilités de jouer dans la LNH (souvent les catégories 1 et 2), et non de devenir des joueurs d’impact (catégories 1 et 3) . D’autres y voient une occasion de prendre des risques sur des joueurs marginaux, car ils ont plus de marge de manoeuvre pour se tromper en 2e ronde qu’au 1er tour.

Encore une fois, la quantité joue un rôle important. Une équipe avec une kyrielle de choix peut décider de mettre tous ses jetons sur le talent et le potentiel, en priant de mettre la main sur un ou deux surdoués qui vont réussir à percer. Mais une formation avec un nombre limité de choix préférera tirer le meilleur d’une situation défavorable en obtenant quelques joueurs qui vêtiront l’uniforme du grand club.

Je persiste à croire que plusieurs recruteurs ont développé une allergie au risque au fil des ans par crainte de perdre leur emploi. Ils veulent s’en tenir au strict minimum en faisant ce qu’on leur demande: décrocher des joueurs de la ligue nationale. Mais une équipe avec trop d’éléments moyens ne fait pas long feu. Les formations gagnantes bâtissent toutes autour d’un noyau extrêmement solide.

Quiconque devant attendre jusqu’au 2e tour pour être repêché a une lacune dans son jeu qui convainc les équipes de ne pas le repêcher plus tôt. Les excellentes habiletés d’un joueur X sont alors surplombées par sa déficience spécifique. Mais comme tous les autres, ils peuvent se développer. Et lorsque leur défaut n’en est plus un, leur potentiel – qui, pour certains, était énorme au départ –, a soudainement d’excellentes chances de se concrétiser. Prenez Mark Stone des Sénateurs d’Ottawa. À l’époque, les éclaireurs disaient: «bonnes mains, intelligent, excellent tir, mais très lent coup de patin». Les Sénateurs ont pris une chance, et ils ont été ravis lorsque Stone, qui est encore aujourd’hui un patineur moyen, a trouvé le moyen de corriger ce défaut juste assez pour faire valoir tout le reste de son jeu et pouvoir tenir son bout dans la ligue nationale. Ainsi, le personnel de développement d’une équipe est souvent négligé, mais il n’en est pas moins d’une importance capitale.

Les possibilités du Tricolore

Le CH aura donc deux choix de 2e tour. Pourquoi ne pas utiliser le premier sur un joueur de catégorie 1 et le deuxième sur le joueur de catégorie 3 avec le meilleur potentiel?

Et si aucun espoir de catégorie 1 n’est disponible, ce qui est fort probable, Timmins pourrait jeter son dévolu sur un espoir de catégorie 2 afin d’équilibrer les risques. Il ferait ainsi le meilleur compromis entre les mentalités de repêcher un futur NHLer et de s’élancer pour un joueur d’impact.

Sans plus tarder, voici quelques possibilités.

Pascal Laberge, C ou AD droitier, 6’1, 172 livres: Espoir de catégorie un, Laberge pourrait être repêché en fin de 1re ronde, tout comme il pourrait sortir au tout début du 2e tour. Le natif de Châteauguay a longtemps été considéré comme un centre naturel, mais c’est à l’aile qu’il a été le plus efficace au sein des Tigres de Victoriaville cette saison, c’est donc là qu’il devrait faire sa niche au niveau professionnel. Prise de décision douteuse et propension agaçante pour les revirements. Peut tenter de trop en faire. Mais une habileté innée à bricoler de l’offensive à partir de bien peu. Joueur du match incontestable de la classique des espoirs Cherry/Orr, il a épaté la galerie avec sa créativité et ses manoeuvres électrisantes, alors que Dubois se chargeait du sale boulot.  À 6’01, mais seulement 162 livres, il peut prendre beaucoup de coffre, ce qui est encourageant pour son développement. Tir des poignets menaçant.

Will Bitten, C droitier, 5’10, 163 livres: Excellent patineur dont le style est basé sur la possession de rondelle. Sa grandeur pourrait en faire un joueur de catégorie 3 à 5’10, mais certaines agences le placent avec conviction en 1re ronde. Joueur énergique, il est également un fabriquant de jeu calme et en contrôle lorsqu’il possède le disque. Mains vives qui ne font qu’une bouchée des gardiens de but dans les zones dangereuses. Pugnace, il est efficace dans les bagarres à un contre un et se salit pour récupérer les rondelles. De loin le premier marqueur de son équipe avec une avance de 17 points sur le deuxième, Ryan Moore, qui a joué un match de plus que lui. Posture semblable à celle de Gallagher, avec le haut du corps légèrement incliné vers l’avant. Gâchette rapide.

Samuel Girard, défenseur gaucher, 5’10, 161 livres: On pourrait voir en lui un espoir de catégorie 3 car peu de défenseurs de 5’10 connaissent du succès dans la LNH, mais il a été simplement trop dominant cette saison dans les deux sens de la patinoire. S’il n’est pas sélectionné au 1er tour, ce sera de justesse. Il n’y a que très peu d’arrières dans cette cuvée qui rivalisent avec son dynamisme et son aisance sur patins. Parfois le joueur le plus rapide sur la glace alors qu’il ne fait que se laisser glisser. Mécanique gracieuse, si fluide. Oeil aiguisé pour repérer les ouvertures, passeur émérite en avantage numérique. Difficulté à effectuer les sorties de zone lorsque l’équipe adverse applique beaucoup de pression sur l’échec avant. Il doit trouver le moyen d’utiliser encore mieux son bâton, car il ne gagnera pas un duel de muscle pour la possession de la rondelle le long des rampes. Beaucoup de détails à peaufiner s’il veut devenir un défenseur efficace dans son territoire au plus haut niveau.

Jordan Kyrou, C ou AD droitier, 6’0, 179 livres: Centre de type fabricant de jeu qui aurait avantage à tirer plus souvent. Beaucoup de flash dans son jeu. De l’efficacité? Moins. Signe que le talent est tout de même apparent. Kyrou a été le meilleur joueur de la délégation canadienne U18 face au Danemark, vendredi dernier, avec une récolte de quatre buts. Tantôt une machine à revirements, tantôt un attaquant extrêmement intelligent qui dérègle les couvertures défensives. Dépend du jour. Sublime en maniement rondelle. Bon coup de patin. Rusé, il trouve le moyen d’échapper à la défensive et se démarquer. Que ce soit pour le meilleur ou pour lire, Kyrou est impliqué dans chacun des matchs. Devra être plus constant. Espoir de troisième catégorie avec un potentiel fascinant, qui donne le goût d’en voir plus.

Belle manoeuvre de Kyrou, qui saisit ensuite un rebond. 

Vitali Abramov, AG ou AD gaucher, 5’9, 170 livres: Une analyse d’Abramov ICI. Russe avec une énergie aussi débordante que son talent. Enthousiasme sans pareil pour son sport. Marchand de vitesse pouvant se séparer des défenseurs en l’espace de quelques foulées. Contrôle le disque sans décélérer ou presque. L’attaquant des Olympiques le plus dynamique depuis Claude Giroux. Catégorie 3: chétif et facteur russe.

Sean Day, défenseur gaucher, 6’3, 229 livres: Oh, oh, oh… Là où personne ne veut s’aventurer… Le grand mystère de ce repêchage… Sean Day, ce joueur qui a obtenu la mention exceptionnelle qu’on a accordée à Ekblad, McDavid et Tavares. Ce défenseur à la Dustin Byfuglien bâti comme un joueur de ligne montre des habiletés individuelles épatantes et un coup de patin comparable à celui de Paul Coffey. Rien de moins. Et il ne sera, de toute évidence, pas repêché en 1re ronde.

… Hein?

Comment dire, Day a tous les outils, mais il ne sait trop comment les utiliser. On voit des flashs sporadiques, mais ceux-ci sont vite oubliés lorsqu’il enchaine avec une décision affreuse, que l’on ne penserait jamais voir d’un joueur de ce calibre. 0 sens de l’urgence en défensive, c’est à croire qu’il opterait pour un sandwich jambon moutarde durant un deux contre un. Des trajets simplement bizarres en possession de la rondelle, alors qu’il se dirige dans le trafic en ignorant les espaces libres. Manque de concentration évident et incapacité à faire la bonne lecture de jeu. Lorsqu’il est alerte et il veut bien y mettre du sien, il peut pourtant changer le cours d’un match à lui seul. Day est peut-être à un «wake-up call» de tout mettre en ordre et devenir le méga-défenseur qu’on voyait en lui au préalable. Cette possibilité, aussi mince soit-elle, a de quoi intéresser une équipe. De son propre aveu, il a également été perturbé par des évènements familiaux dernièrement. Ajoutons qu’il a eu beaucoup de difficultés à gérer son poids. Le prototype parfait de l’espoir de catégorie 3, qui a peut-être bien besoin d’un peu de temps, de patience et de bon développement pour recoller les morceaux.

En rafale
– Au Saguenay, Richard Martel a fait un retour derrière le banc des Marquis de Jonquière de la LNAH. L’effet est surprenant, mais durera-t-il longtemps?

– Connaissez-vous ce jeune des Red Wings? Je vous le présente:

– L’Impact n’a pas volé une victoire, bien au contraire. (TVA Sports)

– Quand il y a Carey Price, il y a de l’espoir, croit Jack Todd. (The Gazette)

– Une équipe de crosse viendra-t-elle s’établir à Québec? (TVA Sports)

– Une chronique sympathique à propos des IceCaps. (The Gazette)

– Une commission scolaire largue Hockey Québec! (Radio Canada)

– Jesse Puljujarvi devrait affronter le Canada au championnat U18.

https://twitter.com/coreypronman/status/721833826339594240

– Un espoir de 1re ronde à surveiller en vue du repêchage: Kieffer Bellows, le fils de Brian Bellows.

https://twitter.com/coreypronman/status/721824502716375040

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