Équipe Québec, c’est plus que « fédéralistes contre souverainistes »

La proposition de la création d’une Équipe Québec, par le Parti Québécois, aurait pu mener à un débat sain, respectueux et recherché sur l’enjeu entourant la création d’équipes nationales québécoises. C’est naïf, je sais. On est à l’ère du dégoût pour le juste-milieu et à la facilité de s’envoyer promener. Bientôt, on parlera d’extrême-souverainistes et d’extrême-fédéralistes, j’en suis sûr.

D’abord, j’aimerais préciser que j’ai autant été déçu du tweet de HFTV (en anglais) qui qualifiait l’idée de « fucking ridiculous » que j’ai été déçu de ceux qui leur ont répondu qu’ils n’étaient pas des « vrais québécois ».

D’un côté comme de l’autre, il faudrait apprendre à se calmer, à écouter et à accepter le fait d’être en désaccord sans s’attaquer à l’autre.

Je n’ai pas lu beaucoup de journalistes, chroniqueurs ou internautes défendre le projet et décortiquer les arguments défavorables. C’est dans cet objectif que j’écris ce papier : offrir l’envers de la médaille, les contre-arguments qui se perdent dans une marée d’insultes.

Qu’importe votre allégeance ou votre idée préconçue, la moindre des choses serait de prendre le temps d’écouter, ou dans ce cas-ci, de lire, la proposition dans ses multiples facettes.

« On serait POCHES! »

Premièrement, pas tant. Deuxièmement, ce n’est pas du tout le point.

Certains répètent que le Québec, sur la scène internationale, se ferait « éclater ». En réalité, le Québec – advenant le retour de la Russie – se positionnerait probablement autour du 6e rang mondial.

Outre David Pastrnak, qui est de loin supérieur à quelconque québécois actif dans la LNH, la République tchèque n’a pas un club largement supérieur, ni visiblement supérieur tout court, aux projections qu’on fait d’une Équipe Québec. La Slovaquie, la Suisse et l’Allemagne sont pratiquement incontestablement inférieurs, sur papier.

(Crédit: RDS.ca)

Et n’ayons pas la mémoire trop courte : le Québec aurait pu battre la Finlande, il y a 15 ans, la Suède, il y a 30 ans et le Canada, il y a 45 ans.

Ah et BTW, la République tchèque a terminé les deux derniers championnats mondial junior… devant le Canada.

Il est un peu absurde d’affirmer que le Québec ne serait pas de calibre international.

La Slovaquie ne gagnera peut-être jamais la médaille d’or aux Jeux olympiques, mais quand elle gagne, même quand ce n’est pas le plus gros enjeu, le party pogne. La Slovaquie, tout comme la Lettonie ou l’Autriche, a le droit d’exister sur la scène internationale malgré la qualité réduite de son alignement.

J’imagine que les partisans de soccer canadiens n’ont pas regardé la dernière Coupe du Monde, considérant que le club canadien n’avait aucune chance de gagner?

Le Québec, qui a son statut de nation auprès de l’ONU et le droit d’aînesse au hockey, aurait autant le droit d’exister que ces équipes nationales. C’est ça, le point. 

« Tant qu’à ça, l’Ontario va demander une équipe nationale? »

Cet argument-là revient trop souvent, considérant qu’il est basé sur une inexactitude, un manque de connaissances ou une mauvaise foi.

Non, l’Ontario, comme les Maritimes, ou l’Alberta, ou l’Ouest (ou même le Wisconsin, aux États-Unis) ne vont pas demander la création d’une équipe nationale.

Pourquoi? Car aucune de ces entités n’est une nation.

Qu’est-ce qu’une nation? On dit que c’est l’« ensemble des êtres humains vivant dans un même territoire, ayant une communauté d’origine, d’histoire, de culture, de traditions, parfois de langue, et constituant une communauté politique ».

Et ça, ça dépasse la question fédéraliste contre souverainiste. En 2006, le Parlement canadien a adopté une motion reconnaissant que « les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ».

Le Québec est une nation distincte du Canada anglais, la langue étant le meilleur exemple, suivi de la culture et de son histoire.

Aux Jeux olympiques, Hong Kong, Taïwan, la Palestine, Porto Rico et les Bermudes sont des exemples de nations participantes. Au soccer, le Royaume-Uni est scindé en quatre : Écosse, Pays de Galles, Irlande du Nord, et Angleterre. Par ailleurs, Porto Rico figure parmi les meilleures équipes de baseball au monde, et il s’agit d’un territoire américain.

Le Québec est une nation, et a le droit d’exister sur la scène internationale. Ce n’est pas un opinion, mais bien un fait.

« Faut pas se faire un club parce que nos joueurs sont pas capables de percer l’alignement de Team Canada »

En effet. Sauf que l’idée d’une équipe nationale québécoise n’est pas nouvelle, ni liée à la faible représentation au sein de l’Équipe Canada qui s’est alignée à la Confrontation des 4 Nations.

Ceci étant dit, grâce à son statut de nation, le Québec a l’occasion de faire ce que plusieurs considèrent impartialement être la meilleure chose possible pour les athlètes de chez nous, c’est-à-dire d’en envoyer le plus possible sur la scène internationale.

Je ne suis pas certain de comprendre comment il puisse s’agir d’une mauvaise chose d’offrir des opportunités de briller et des souvenirs inoubliables aux meilleurs athlètes québécois.

Au lieu qu’un seul gars de chez nous se retrouve sur la passerelle d’une équipe canadienne aux Jeux olympiques, il pourrait y en avoir 20 de plus sur une même glace. Même chose au Championnat du monde junior, où les joueurs québécois ont été faiblement représentés au cours des dernières années.

« On serait même pas dans le Tournoi des 4 Nations »

Ce n’est pas parce que le Tournoi des 4 Nations est au cœur de l’espace public, cette semaine, que la mission d’une équipe nationale est centrée autour de ce tournoi.

En fait, l’initiative de la Fondation Équipe Québec concerne toutes les équipes, tous les sports, et tous les âges.

Les « 20 de plus » dont on vous parle pour les Jeux olympiques deviennent alors un chiffre exponentiel.

Serait-il réellement nocif pour les jeunes québécois d’avoir plus de place sur la scène internationale, indépendamment de leur allégeance?

« De toute façon, on ne produit pas assez de bons joueurs »

Il serait peut-être intéressant de se questionner sur les causes de ce déclin marqué. La structure de Hockey Québec fait partie de l’équation et constitue probablement le noyau de la réponse, accompagné des coûts élevés pour les parents. Or, une équation est rarement simple.

Sans affirmer hors de tout doute qu’un système d’équipes nationales québécoises réglerait le problème, est-il possible que ce le soit, et peut-on en discuter et analyser cette option sans grimper dans les rideaux? L’un n’empêche pas l’autre, et les deux enjeux peuvent au contraire être compatibles.

Pas mal tout le monde s’entend pour dire que les Américains ont compris quelque chose qu’on n’a pas compris au Canada, par le biais de leur programme de développement centré autour de l’équipe nationale américaine. La Suède (10 millions d’habitants) et la Finlande (5 millions d’habitants) produisent d’excellents joueurs de hockey, en partie grâce à leur programme de développement national.

Mais au Québec, pour des raisons obscures, ça semble farfelu de croire que ce même système aiderait.

Au-delà de la qualité du développement, la diminution du bassin constitue une autre partie de cette longue équation problématique.

Croyez-le ou non, Équipe Québec existe déjà, dans certains sports, et le taux de participation augmente.

C’est d’ailleurs prouvé qu’une performance mémorable dans une compétition internationale contribue à l’augmentation des inscriptions chez les jeunes, l’année suivante. Dans un monde où le Québec existe sur la scène internationale, les jeunes athlètes de la province pourraient davantage rêver qu’en constatant l’espace réservé, qu’il soit justifié ou non, au sein d’un pays bien plus grand qui limite nécessairement leurs chances de percer en représentant la feuille d’érable. La représentation est considérée comme étant importante, quand il est question de rendre un sport attrayant.

Le déclin observé et accentué de la représentation québécoise au sein des équipes canadiennes sera-t-elle freinée en adoptant le statu-quo?

« Une idée de séparatistes! »

Remarquez-vous qu’aucun des cinq contre-arguments précédents ne parle de souverainisme?

Selon un sondage Léger réalisé en 2020, près de 75% des Québécois se positionnent en faveur de la création d’équipes nationales québécoises. La Fondation Équipe Québec se définit comme nationaliste, et affirme regrouper un support des quatre partis élus à l’Assemblée nationale, constituant ainsi un enjeu non-partisan.

Évidemment, l’enjeu rejoint plus naturellement ceux qui ont la fierté québécoise près de leur cœur, mais ce n’est pas le nerf de la guerre. Il est possible d’avoir une discussion constructive sur cette possibilité sans jamais toucher à la cause souverainiste, ni même le mouvement de pensée fédéraliste.

Avant d’être élu premier ministre du Québec, François Legault supportait d’ailleurs le projet, qui ne cadre toutefois visiblement plus avec la ligne de son parti.

Il est toutefois intéressant de noter que le ministre Mathieu Lacombe a affirmé que « la reconnaissance du hockey sur glace en tant que sport national du Québec était un symbole important susceptible d’induire un mouvement sur le terrain », après avoir adopté ce projet de loi. Il est légitime de se questionner sur la nature de ce « mouvement », si le gouvernement refuse de considérer les équipes nationales.

En terminant, la notion du « tout ou rien » pourrait être abandonnée des deux côtés. Il est permis d’être partiellement ou majoritairement d’accord, sans l’être totalement, ou d’être mitigé.

Il existe une combinaison infinie de mesures concrètes qui pourraient s’adresser à certains enjeux soulevés dans ce texte. Certains aimeraient voir naître un programme national de développement pour les jeunes québécois, mais souhaitent qu’ils continuent de représenter la fédération au plus haut niveau. Certains aimeraient voir naître des équipes nationales québécoises dans certaines disciplines, ou certains tournois. Sachez que l’Écosse, le Pays de Galle, l’Irlande du Nord et l’Angleterre représentent tous le Royaume-Uni, aux Jeux olympiques. Il est possible de discuter pour le bien collectif.

Le mot de la fin

Je remercie DansLesCoulisses.com pour la publication de l’article. Malgré la divergence d’opinion, Maxime Truman et Charles-Alexis Brisebois ont accepté d’offrir une tribune à l’autre côté de la médaille, ce que je respecte énormément. Certains médias montréalais ont ouvertement refusé d’ouvrir le dialogue, préférant se braquer sur leurs positions.

J’espère avoir décortiqué de façon respectueuse et constructive les arguments populaires défavorables qui circulent, tout en évitant la division qui se dessine dès qu’il est question de l’aspect identitaire.

Soyez en désaccord, si vous le voulez. C’est correct, pis ça serait plate si tout le monde était d’accord. Sauf que c’est pas mal plus le fun quand on s’écoute et qu’on se respecte.

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