Repêché 16e au total par les Sabres en 2011, Joel Armia est un joueur de hockey talentueux.
Identifié comme l’un des bons francs-tireurs de sa cuvée et un joueur dominant du CMJ en 2012 et 2013 (19 points en 13 matchs), le Finlandais a cependant mis un certain temps avant de bien s’établir dans la LNH.
Il devait surtout améliorer sa rapidité sur patins, son jeu de pieds, sa vitesse d’exécution.
On peut dire que ce n’est qu’en 2016-2017, soit à 23 ans, qu’il s’est finalement établi dans la LNH avec les Jets, suite à l’échange qui avait impliqué Evander Kane.
L’année suivante, en 2017-2018, il connut une première vraie « bonne saison » à Winnipeg sur le bottom-6 : 12 buts, 29 points, + 3, en 79 matchs.
C’est à l’été de 2018 que Marc Bergevin a pu mettre la main sur l’énigmatique Armia, présenté comme appât dans un échange où le CH avait dû accepter de « prendre » – et ultimement racheter – le contrat du gardien Steve Mason (qui n’allait plus jamais jouer un seul match dans la LNH) afin d’aider le DG des Jets Kevin Chevaldayoff avec sa situation salariale.
Blessé à un genou pour une bonne partie de sa première saison à Montréal, Armia a sensiblement maintenu sa cadence de l’année précédente à Winnipeg avec 23 points en 57 parties (33 points sur 82 matchs).
C’est en 2019-2020, à 26 ans, qu’il a véritablement pris son « envol ». Le bon Joel avait cumulé 16 buts et 30 points en 58 matchs, avant que la saison ne soit arrêtée en raison du vilain virus honni de tous. Il produisait donc à un rythme de 23 buts et 42 points sur 82 matchs. Même cadence dans la bulle lors des séries estivales à Toronto : 5 points, dont 3 buts, en 10 matchs. D’excellentes statistiques pour un polyvalent joueur du middle six qui commençait à avoir de plus en plus de missions offensives.
Armia connaissait un autre départ intéressant en 2021 (début de la saison en janvier) lorsque Tyler Myers a décidé de lui régler son cas à la fin de la partie du 21 janvier à Vancouver. Le #40 était en train de connaître le match de sa carrière : 2 buts, 2 passes, ce qui portait son total à 5 points en 5 matchs, lorsque Myers le frappa durement.
Un geste qui lui valut une expulsion de match, mais qui ne lui coûta aucun match de suspension. Le point de contact principal avait été l’épaule d’Armia et non sa tête, selon la toujours très perspicace LNH dans ses explications psychotroniques …
No supplemental discipline for Tyler Myers for bodycheck on Joel Armia. Video explanation: https://t.co/0Lp4EwxiTr
— NHL Player Safety (@NHLPlayerSafety) January 22, 2021
Peu importe le point de contact principal, c’est la tête de Armia qui en a reçu les principales conséquences, lui qui manqua trois semaines d’activités et qui n’inscrivit que 9 points en 36 matchs suite à son retour au jeu, avant de connaître un certain regain avec 8 points en 21 matchs en séries.
Si on inclut les séries estivales de 2020, nous avons donc un joueur qui venait d’enregistrer 40 points à ses 73 derniers matchs dans la LNH et qui depuis cette malheureusement mise en échec jugée comme un « hockey play » (whatever that means!), n’en a cumulé que 35 en 135 (séries de 2021 incluses).
Il y a donc un avant et un après.
On ne parle tout simplement plus du même joueur.
Il est carrément devenu deux fois moins productif qu’avant la fameuse mise en échec de Myers!
Le gros ailier semble pour ainsi dire avoir perdu la petite fraction de seconde dans son exécution, la petite fraction de seconde qui commençait à le rendre si efficace en possession de rondelle, en fond de territoire et dans l’enclave.
Il semble donc lui être arrivé exactement la même chose qu’à Jonathan Drouin depuis la percutante mise en échec que lui avait servi le train nommé Ovechkin le 15 novembre 2019.
La mise en échec d'Alex Ovechkin a brisé son rythme, alors qu'il connaissait à l'époque de bons moments avec le CH → https://t.co/A5U32L5Im0
— DansLesCoulisses (@DLCoulisses) November 11, 2022
Il semble donc lui être arrivé exactement la même chose qu’à Paul Byron, qui, le 26 mars 2019 s’était fait sonner les cloches dans un stupide combat « revanche » gracieusement accordé à McKenzie Weegar.
Depuis ces coups, les carrières de Drouin, de Byron et de bien d’autres avant eux, ont pris un irréversible tournant vers le bas, comme l’avait si bien documenté Martin Leclerc en s’appuyant sur un étude sérieuse publiée dans The Journal of Neurotrauma en 2018. Leclerc rapportait ceci :
Cette étude révélait notamment que les joueurs pris en charge en vertu du protocole de commotions cérébrales de la LNH ont 64,1 % de risques de ne plus jouer dans la ligue trois saisons plus tard. Dans le cas des non-commotionnés, c’est presque l’inverse. Ces derniers ont 58,3 % de chances de toujours détenir un poste dans la ligue après trois saisons.
Les auteurs de cette étude, huit orthopédistes et un anesthésiste américains, soulignaient par ailleurs qu’en moyenne, les joueurs pris en charge par le protocole de commotions cérébrales ne jouent plus dans la LNH 2,1 saisons plus tard.
C’est malheureusement ce qui semble être arrivé à Armia, qui n’a toujours pas de but et seulement deux passes en 18 matchs cette saison. La LNH est de loin la plus rapide au monde, chaque fraction de seconde compte. Aucun pardon pour ceux qui l’ont perdu.
Peut-être que le Finlandais qui aura 30 ans en mai prochain, pourra connaître un certain regain de vie en cours de saison, comme ça semble avoir été le cas au Championnat Mondial le printemps dernier (8 points en 10 matchs). Il « passe proche » de marquer ces temps-ci. Il y a encore de l’espoir.
Mais une tendance lourde étrangement familière semble s’être bien établie pour lui dans la LNH et les deux années restantes à son contrat risquent d’être problématiques.
Alors que nous lisons encore à profusion sur les réseaux sociaux des attaques personnelles contre ces joueurs que l’on trouve tantôt « peureux », « fainéants », « profiteurs » et j’en passe, il faudrait peut-être se rappeler ce que disent la science et les faits aux sujets des impacts des commotions cérébrales.
Comme ces mêmes personnes se plaisent pourtant souvent à la dire : « faites vos recherches! »
Plusieurs joueurs ne s’en remettent tout simplement jamais complètement.
Pour un Sidney Crosby il y a trois Marc Savard.
Ou si vous préférez, il y a Byron, Drouin, Little, Baertschi, Ferland… et peut-être Armia.