En cette période de haute voltige dans la LNH où les penseurs de chaque équipe y vont d’acrobaties pour bâtir leur équipe ou protéger les structures qu’ils ont mis en place, les réflexions sur la façon d’arriver à mettre sur la glace une équipe gagnante sont primordiales. Et le réflexe naturel qu’on observe après une conquête de la coupe Stanley est de prendre le champion pour modèle.
Si à mon avis c’est une erreur peu importe l’équipe championne, ça l’est encore plus avec les Penguins de Pittsburgh. Cette organisation est tout simplement inimitable.
Une équipe a un style, une identité. Que ce soit par les stratégies qu’elle déploie sur la glace ou l’attitude qu’elle démontre. Une équipe doit avoir cette identité claire pour devenir gagnante. Est-ce que ce sont les joueurs qui créent cette identité ou les valeurs déjà en place qui influencent les joueurs? Je vous laisse en débattre. Toutefois, c’est cette identité qui est à la base du regroupement des joueurs autour d’un objectif commun et qui ultimement leur permet de se convaincre que ça vaut la peine de passer outre toutes les souffrances et les déceptions pour continuer de se battre ensemble pour la victoire.
Alors quand on bâtit une équipe, il faut connaître cette identité, identifier les joueurs qui en seront les porteurs, en faire notre noyau et les entourer du mieux possible. Ceci dit, chaque équipe a sa recette. Et au fil des ans, les équipes championnes ont toutes eu leur identité propre et concocté leur recette. Les tendances sont très difficiles à observer, c’est pourquoi je ne crois pas trop en la théorie du mimétisme.
Malgré cela, il s’en trouve toujours pour dire que la nouvelle façon de jouer au hockey est dictée par l’équipe championne. C’est doublement le cas lorsque cette équipe gagne deux années consécutives. Mais comment imiter une organisation comme les Penguins de Pittsburgh? C’est pratiquement impossible. Eh oui, même en tankant!
Quelles sont les probabilités qu’une équipe arrive à repêcher les deux meilleurs attaquants de leur génération coup sur coup? Malkin en 2004 et Crosby en 2005 ont été les premiers choix des Penguins et au cours des 10 dernières saisons, ils sont les deux joueurs ayant conservé la meilleure moyenne de points par match de la LNH. Qui est le dernier 1-2 punch au centre à avoir été aussi dominant dans la LNH? Sakic-Forsberg? Yzerman-Fedorov? Gretzky-Messier?
La réponse est : Aucun duo de centres d’une même équipe dans l’histoire de la LNH n’a réussi à se positionner 1 et 2 pour la moyenne de points par match sur une période aussi longue.
Alors oubliez l’idée de penser avoir la chance de construire une équipe ainsi. Les probabilités sont nulles.
Une attaque construite de toute pièce
À ces deux joueurs phénoménaux, le DG Jim Rutherford, que plusieurs considéraient comme le pire dinosaure du hockey, a ajouté un marqueur de premier plan en Phil Kessel. Ce personnage dont la réputation était si mauvaise qu’on le considérait comme un pestiféré dont il ne fallait certainement pas infesté son vestiaire. Cet attaquant qui ne se gêne pas pour faire sentir son mécontentement en plein match de séries a amassé 23 points en 25 matchs lors du tournoi printanier. Cette «plaie» a aujourd’hui deux bagues de la coupe Stanley. Comme quoi dans un bon groupe, on peut très bien s’organiser avec les caractères différents s’ils ont utilisé à bon escient. Pas besoin de parler du cas PK ici, on s’est compris.
Il y a également eu les transactions pour l’obtention de joueurs de soutien comme Bonino ou Cullen qui s’ajoutaient aux Hornqvist et Kunitz arrivés quelques saisons auparavant. Et il faut évidemment souligner l’apport important de jeunes arrivés directement de la Ligue américaine comme Guentzel (3e ronde en 2013), Rust (3e ronde en 2010), Sheary (non repêché) ou Kuhnhackl (4e ronde en 2010), Wilson (7e ronde en 2011), Rowney (non repêché). Ces joueurs, à divers degrés, ont contribué de manière tangible aux succès des double champions.
Qui remercier pour ça? L’équipe de Rutherford, Bill Guerin, Jason Karmanos, Mark Recchi, Randy Sexton, Derek Clancey et tout leur groupe de recruteurs amateurs et professionnels.
La défensive sans nom
Si la saison dernière on pouvait se rabattre sur le jeu inspiré de Kris Letang pour contrebalancer la relative faiblesse du reste du groupe, cette donne n’existait plus cette saison. Quand Ron Hainsey et Brian Dumoulin sont les deux défenseurs les plus utilisés de votre équipe, on peut légitimement croire que vous n’avez aucune chance de gagner, ne serait-ce qu’une ronde. Alors contenir les dangereux Blue Jackets, les puissants Capitals, les surprenants Sénateurs et les rapides Predators, ça relève de l’exploit. En fait, c’est totalement inexplicable par la simple logique. Mais surtout, personne ne me convaincra que de construire une équipe en faisant sciemment confiance à une défensive aussi faible sur papier puisse être une réelle option.
Puis, bien entendu, Marc-André Fleury et Matt Murray se sont relayés pour protéger une cage plus vulnérable que jamais dans l’histoire d’une équipe championne de la coupe Stanley. Leur travail combiné a été d’une valeur immense dans cette conquête. Mais quelle équipe aurait réellement pu miser sur un tel duo de cerbères? Et quelle organisation aurait gardé Fleury dans ses rangs après les résultats obtenus par Murray au printemps dernier? Rutherford a eu du flair ou s’il n’a pas trouvé preneur pour le Sorelois? Je n’ai pas la réponse, mais que ce soit de la chance ou non, les Penguins ont profité de la situation.
Un coach qui sait s’y prendre
Et que dire du travail de l’entraîneur Mike Sullivan? Il a pris les rênes en décembre 2015 d’une équipe qui semblait à la dérive menée par un leader qu’on disait sur le déclin. Il n’avait pourtant été l’entraîneur-chef du club-école des Penguins que durant 24 matchs avant de prendre la relève de Mike Johnston. Je ne sais pas sur quels boutons il a pesé, mais il a insufflé à cette équipe une énergie nouvelle qui n’était visiblement pas qu’une bulle. Gagner deux coupes consécutives en cette ère du hockey est un exploit qu’on ne peut réaliser que grâce au momentum.
Pourtant Sullivan était loin d’être nécessairement un as en devenir. Après avoir amorcé sa carrière de coach au jeune âge de 35 ans en menant les Bruins à une saison de 104 points, il a connu une saison perdante lors de la suivante. Par la suite, il a suivi John Tortorella, qu’il avait côtoyé avec l’équipe nationale américaine lors des Jeux olympiques de 2006, à titre d’assistant avec le Lightning, les Rangers et les Canucks avant de devenir entraîneur au département du développement des joueurs de Blackhawks puis d’obtenir le poste d’entraîneur des Penguins de Wilkes-Barre au début de la saison 2015-2016.
Il a appris à devenir le coach parfait pour cette équipe. Il a su rallier tout le monde autour d’un objectif et laisser Crosby prendre le contrôle. Une preuve qu’on peut être un grand leader sans tout contrôler.
Bref, si vous êtes le DG d’une équipe de la LNH et que vous contemplez une reconstruction, pensez-vous réellement imiter le modèle des Penguins pour assembler une équipe championne? Bien sûr, vous pouvez orienter votre stratégie sur le jeu offensif. Particulièrement si vous avez l’occasion de repêcher régulièrement parmi les premiers durant plusieurs années. Vous pouvez même penser qu’avec une défensive sous-estimée, voire douteuse mais avec un gardien de buts de premier plan, vous serez en mesure d’en faire assez pour gagner. Il est possible que vous soyez en mesure d’assembler un groupe de recruteurs et d’entraîneurs capables de développer des joueurs efficaces. Mais une chose demeure, vous ne repêcherez pas Crosby et Malkin.
Alors petit conseil, trouvez votre propre recette.