Kovalev.
Vanek.
Voilà les deux premiers noms qui me sont venus en tête lorsque j’ai lu la nouvelle de l’arrivée de Patrik Laine à Montréal.
Et je ne suis probablement pas le seul à avoir eu cette idée. D’après ce que j’ai entendu à la radio, Louis de Ville Mercier semble aussi y avoir pensé!
Par son talent naturel qui crève les yeux et par ce que le CH a donné en retour – presque rien dans les trois cas (Balej, Collberg et Harris!) – la venue de Laine rappelle celle de ces deux anciennes gloire de la LNH qui ont connu de beaux et de très beaux moments dans la métropole.
Mais à l’image de ces deux oiseaux rares, le Finlandais vient aussi avec une réputation, celle d’un joueur à l’éthique de travail douteuse qui ne se présente pas à chaque soir, celle d’un individu difficile à coacher, celle d’un joueur individualiste. La journaliste Kristina Rutherford nous parlait déjà de tout ça en 2019 dans cet excellent article de fond réalisé à partir d’une entrevue franche avec le grand ailier.
Toutefois, à sa façon, le ténébreux ailier, un peu comme l’avait si bien décrit Guy D’Aoust à l’époque en parlant de Kovalev, est lui aussi un grand pianiste de concerto et non pas un musicien de saloon exécutant sur commande les mêmes refrains soir après soir au grand plaisir des assoiffés.
Ainsi, avec Laine, lorsque l’inspiration est au rendez-vous, attention!
18 buts en 12 matchs, dont un légendaire match de cinq buts sur cinq tirs en novembre 2018 après s’être (enfin) débranché de Fortnite !
Seul problème, ces 18 buts inscrits lors du mois des morts ont représenté 60% de sa production cette saison-là.
Néanmoins, en avril 2019, il terminait déjà une troisième campagne de 30 filets dans la LNH. Et donc, malgré une faible récolte de neuf petits buts après les Fêtes, Laine est devenu le 4e plus jeune joueur de l’histoire à inscrire 100 buts dans la meilleure ligue au monde, après Wayne Gretzky, Dale Hawerchuk et Jimmy Carson.
En fait, s’il y a de quoi, considérant son jeune âge, son tir presque inégalé parmi ses pairs, et ses élans magiques qui rappellent les beaux jours de Mario Lemieux (allez voir sur YouTube pour vous en convaincre), les fans devraient être encore plus emballés par la venue Laine en 2024 que celles de Kovalev en 2004 et Vanek en 2014.
On peut déjà anticiper la frénésie dans le Centre Bell lorsque le nouveau # 92 du Tricolore s’emparera de la rondelle et franchira la zone neutre à grandes enjambées pour tenter de marquer ce genre de but :
What an end to end goal by Laine 3-3 #CBJ #Blackhawks
Every game starts at BET99
🛑 We are Responsible Gambling— BET99 Ontario (@BET99ON) April 13, 2021
Avec ses 204 buts et 388 points en 480 matchs, statistiquement, Laine est donc clairement un joueur vedette dans la LNH, dans la catégorie des Filip Forsberg et compagnie, comme en font foi ses statistiques par tranche de 82 matchs depuis qu’il a atteint l’âge de 24 ans :
The career point totals (per 82 g) of a dozen NHL forwards in their primes (24-31) making between $8-9M AAV:
Laine is the best goal-scorer of the bunch. This may help explain why no salary was retained – Laine’s salary is commensurate with his career production.
*Player ages are… pic.twitter.com/htymyH09Sp— Grant McCagg (@grantmccagg) August 20, 2024
Je sais pas pour vous, mais quand je regarde ces noms-là, je me dis que la nouvelle acquisition de Kent Hughes est plutôt un intrus dans le lot.
Laine n’a pas juste un talent de joueur d’impact ou de joueur vedette comme la plupart des noms répertoriés ci-haut par McCagg, il possède un talent digne d’une supervedette.
En fait, pour un joueur de son talent, qu’un spécialiste comme Simon Boisvert estimait à l’époque aussi grand que celui d’Auston Matthews, le fait que Laine n’ait jamais enregistré plus de 70 points (à sa deuxième saison, à 19 ans) et ne compte qu’une seule campagne d’un point par match (56 en 56 à Columbus en 2021-2022) constitue une véritable aberration, une genre d’anomalie.
Or, à 26 ans, si le corps et le cerveau de Laine sont en santé et tiennent le coup – on a à tout le moins de bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas été en aussi bonne forme depuis fort longtemps, d’après ses propres dires – le Finlandais pourrait bien connaître la meilleure saison, voire les meilleures saisons de sa carrière avec le Canadien.
Mais, en plus de ses problèmes de santé physique et mentale, cette anomalie statistique peut aussi certainement s’expliquer par les contextes peu favorables dans lesquels il a été placé, des choses sur lesquelles il n’avait souvent pas vraiment de contrôle.
À Winnipeg, Laine a peu patiné sur le premier trio, devant plutôt se contenter de Bryan Little comme centre sur la deuxième unité.
Puis, à Columbus, si on ne compte pas la saison dernière où il n’a joué que 18 matchs, il n’aura évolué qu’une seule campagne avec Johnny Gaudreau, étant le reste du temps soumis à une diète composée de Jack Roslovic, Oliver Bjorkstrand, Max Domi, Boone Jenner, Cam Atkinson, Jakub Voracek (en fin de carrière) et Gustav Nyquist.
Pas exactement les « gros chars » à mononc’ Gérard.
Bref, si on tient compte que Scheifele et Wheeler ne le portaient pas trop dans leur petit cœur et n’évoluaient surtout avec lui qu’en supériorité numérique à Winnipeg, Laine n’aura jamais vraiment eu la chance d’évoluer dans un environnement aussi sain avec un aussi bon groupe d’attaquants que Suzuki, Slafkovsky, Dach, Caufield et bientôt Demidov. Tous des joueurs dignes du top-5 ou du top-10 de leur année respective au repêchage.
Enfin, si on veut faire un commentaire rapide sur l’apport que pourrait avoir Laine, avec une saison « normale » de 35 buts (sa moyenne en carrière sur 82 matchs), Laine enlèvera surtout beaucoup de pression à Caufield et Slafkovsky. Il leur permettra de jouer avec le bâton moins serré dès le début de la saison, ce qui n’avait vraiment pas été le cas l’an dernier…
Puis, en misant sur une saison toute aussi « normale » des autres principaux soldats, Laine devrait au minimum aider le Canadien à se retrouver dans la course aux séries en améliorant radicalement son différentiel au niveau des buts pour et des buts contre qui s’est conclu avec un subarctique -49 le printemps dernier.
En somme, avec l’arrivée d’un tireur d’élite de 26 ans comme Laine, on ne reconstruit plus, on construit, on ajoute, on commence même la finition.
Tant qu’à y être, je vais aussi remplir aujourd’hui une promesse faite en juin dernier, soit de vous revenir avec une analyse du noyau du Tricolore suite au repêchage et suite à LA transaction estivale de Kent Hughes que nous attendions tous.
D’ailleurs, à ce sujet, Maxime Truman ainsi que moi-même avions respectivement analysé et évoqué la très logique venue du grand Finlandais au début de l’été… et le voici en ville!
Ainsi, je le répète depuis quelques années déjà : LA recette pour gagner la Coupe – une recette que ne semblent pas détester Hughes et Gorton vu d’ici – c’est de compter à maturité sur le plus grand nombre possible de joueurs dignes du top-15 au repêchage… ou très proches de cette cible.
Les derniers gagnants de la Coupe nous indiquent tous qu’il en faut en général une douzaine du genre, en comptant bien entendu sur quelques dividus dignes du top-5 dans le lot.
Autrement dit, en général, ça prend un solide noyau composé d’un heureux mélange de supervedettes, de vedettes, de joueurs d’impact et de bons joueurs complémentaires pour espérer gagner. Il faut de la quantité ET de la qualité.
Avec les additions estivales de Demidov, Hage et Laine, le Tricolore commence donc à ressembler étrangement à un club de hockey misant sur un jeune noyau qui sera clairement digne de l’élite.
On va donc ressortir notre méthodologie et notre tableau du mois de juin en comparant cette fois-ci le noyau amélioré du CH avec celui de quelques rivaux immédiats qui ont eux aussi théoriquement terminé leur reconstruction : Buffalo et Ottawa.
Catégorie |
Valeur (points) |
Générationnel | 20 |
Élite/supervedette | 15 |
Vedette | 10 |
Impact | 8 |
Complémentaire | 5 |
Catégories / Noyaux | Montréal | Ottawa | Buffalo |
Valeur totale du noyau des attaquants |
81 | 67 | 70 |
Générationnel |
|||
Élite/supervedette | Slafkovsky
Demidov |
Stützle |
|
Vedette | Suzuki
Laine |
B. Tkachuk | Thompson Cozens |
Impact |
Caufield Dach |
Batherson
Norris Giroux Pinto |
Tuch
Peterka Benson Quinn Ostlund |
Complémentaire
|
Newhook
Roy Hage |
Perron Greig
|
Kulich Helenius
|
Valeur totale du noyau des défenseurs et gardiens |
54 | 41 | 53 |
Générationnel |
|||
Élite/supervedette |
|
Dahlin | |
Vedette | Reinbacher
Hutson |
Chabot
Sanderson |
Power
Byram |
Impact |
Matheson Guhle Montembeault/Fowler/Dobes (G) |
Yakemchuk
Ullmark |
Levi / Pekka-Luukkonen
|
Complémentaire
|
Xhekaj / Engstrom Mailloux
|
Zub
|
Jokiharju Samuelsson
|
Valeur totale des noyaux | 16 joueurs : 135 | 13 joueurs : 108 | 15 joueurs : 123 |
On constate rapidement que les repêchages 2021, 2022 et 2023 des Sénateurs d’Ottawa ont été très faibles et que ça semble déjà leur coûter très cher. On a entre autres « donné » des choix de premier tour en 22 ET 23… Aouch.
On le voit dans le tableau ci-haut, il y bien quelques joueurs d’impact dignes de mention, et Yakemchuk pourrait nous surprendre, mais ça manque tout simplement de viande de qualité au pays du By Market et des champs de patates. Quand il faut inclure des vétérans montrant des signes d’usure comme Giroux et Perron dans un noyau, c’est rarement bon signe…
On a clairement mis fin à la reconstruction trop tôt et là il faut déjà faire du rapiéçage, une analyse que Mathias Brunet a déjà faite à quelques reprises.
De leur côté, les Sabres présentent une quantité impressionnante de joueurs de qualité à toutes les positions. Mais l’absence de vraies supervedettes à l’attaque pourrait éventuellement les empêcher de devenir de sérieux prétendants.
Ils seront néanmoins à surveiller. Un ou deux échanges réussis et qui sait…
On ne croit pas halluciner. On voit distinctement trois trios et trois paires de défenseurs remplis de joueurs de qualité, supérieurs à la moyenne à leur position.
Et si certains me trouveront peut-être généreux et/ou optimistes à l’endroit de Slafkovsky, Demidov ou je ne sais qui, d’autres me trouveront sans doute un peu chiche avec Laine, Caufield, Dach, Hage, etc.
Donc, ça doit s’équivaloir à quelque part en démocratie!
Enfin, si on remonte à notre tableau de juin dans lequel on comparait le noyau déjà solide du CH avec celui des finalistes de la Coupe Stanley, les Oilers (12 joueurs/118 points) et les Panthers (13 joueurs/114 points), on n’a pas d’autre choix que de conclure que le noyau amélioré qu’on a maintenant sous les yeux ne sera rien de moins que terrifiant lorsqu’il arrivera à maturité.
Il n’y a pas de prétention scientifique ici, ni de garantie de quoi que ce soit, mais déjà on parle d’un groupe d’environ 16 joueurs valant pour +/- 135 points en valeur attribuée!
C’est hors norme!
Conclusion
Le pire, ou le mieux – c’est selon – c’est que, comme on vient de le faire avec l’ajout de Demidov, Hage et Laine, le core pourrait encore s’améliorer un peu lors des prochaines années. Le CH compte toujours sur deux choix de premier tour en juin 2025 et un total de 15 choix dans les quatre premiers tours lors des deux prochains repêchages.En somme, non seulement le noyau est déjà épeurant, on sait déjà qu’on aura de quoi l’entretenir et le nourrir pour un très, très long bail. Des options, des options et encore des options pour Hughes et Gorton.
La reconstruction est donc terminée. L’infrastructure est en place, la finition commence, et très bientôt on pourra même penser à ouvrir la fameuse « fenêtre ».
Geoff Molson peut donc y croire à sa Coupe…
C’est d’ailleurs exactement l’idée, le fameux narratif, le récit que le CH voudra ultimement vendre sur Crave le mois prochain : on peut y croire!
Mais, peu importe le narratif marketing, après une analyse rationnelle de la matière en place, comptez-moi parmi les croyants.
Comme à l’habitude, on jase de ce très juteux bout de gras sur Facebook et Twitter!