Deux grandes questions ont essentiellement meublé les conversions estivales entourant le CH : Quel est le plan de Bergevin et qui jouera au centre?
Hier, nous avons analysé les options au centre pour le Tricolore. Mais tentons de voir comment le DG des Canadiens a imaginé son plan d’ensemble pour son équipe.
« C’est quoi son plan? »
La majorité des commentaires lus et entendus depuis l’élimination rapide du Canadien sont négatifs à l’endroit de Bergevin. Sa stratégie de mettre la main sur des joueurs de caractère et de profondeur à la date limite des transactions en avait déjà laissé plusieurs sceptiques – pensons seulement à l’échange d’Andrighetto – et là tout le monde l’attend avec une brique et un fanal.
Les décisions impopulaires de couper les ponts avec deux piliers de l’équipe en Radulov et Markov, n’auront rien fait pour calmer les ardeurs de partisans de plus en plus exaspérés. Et ce n’est pas en accumulant les défenseurs de deuxième ordre que la grogne s’est s’estompée…
Vu de loin, on regarde ça et on se dit, mais quel est donc le plan de Bergevin?
Encore ici, la réponse la plus commune entendue un peu partout n’est pas très positive : « Bergevin n’a pas de plan, il improvise! »
Bien qu’on puisse penser toutes sortes de choses au sujet du travail de Bergevin – et on n’a certainement pas à en penser que du bien – on ne peut pas dire que le directeur général du Canadien n’a pas de plan.
La réalité c’est qu’il semble même en avoir un nouveau.
Reste maintenant à savoir, si c’en est un bon. Ça c’est une toute autre histoire…
Même si ce terme peut donner de l’urticaire, nous en sommes donc à l’an un d’un nouveau plan quinquennal (eh oui!), un plan qui nous conduira à l’échéance du contrat de Bergevin en 2022. Un plan qui à mon sens, aurait dû débuter un an plus tôt lors de la débâcle de 2016, mais bon…
Le sentiment qu’il faut changer la recette…
Bon, en gros, nouveau plan quinquennal ou non, à Montréal, l’objectif général ne change pas. Il s’agit d’être compétitif et de faire les séries année après année. Cet objectif annuel guide toutes les décisions. Il oriente inéluctablement le plan et les ajustements nécessaires.
Quoi qu’on en pense – et je n’en pense pas nécessairement beaucoup de bien après 25 ans sans Coupe Stanley – c’est la fameuse « réalité montréalaise », et Bergevin s’inscrit ainsi bien plus dans la continuité de Gainey et Gauthier que dans une quelconque rupture. Les idées maîtresses sont sensiblement les mêmes. Seuls le ton et la manière ont changé (et même ça, on commence sérieusement à en douter…).
La continuité et la stabilité, le mirobolant contrat qu’on a octroyé les yeux grands fermés à Carey Price en est la preuve ultime. Le contrat à long terme de Karl Alzner, 10 ans plus jeune que Markov, en est une autre. Ces deux contrats stabilisent le CH dans l’atteinte de ses objectifs pour plusieurs années.
« Une fois en séries, on ne sait jamais ce qui peut arriver… »
« Quand tu peux miser sur un Carey Price, t’as toujours une chance… »
On ne connaît que trop bien la chanson et sa logique sous-jacente. On se croirait presque dans un conte de fée ; le rêve qu’un jour, en se présentant au bal avec le minimum requis, le bon hasard saura bien nous sourire, un peu comme la belle Cendrillon avec ses beaux souliers à talons hauts qui tombe dans l’œil du bon prince…
Mais, au-delà de cette nécessaire stabilité et de la rengaine des séries, au terme de ses cinq premières années aux commandes du Tricolore, Bergevin semble avoir réalisé, comme vous et moi, que le temps presse et qu’il n’a pas ce qu’il faut pour aller jusqu’au bout dans un proche avenir. La nouvelle réalité étant que la défensive te conduit peut-être en séries, mais c’est l’attaque qui te fait gagner.
En sacrifiant Sergachev pour Drouin, en échangeant Beaulieu pour des pinottes et en montrant subtilement la porte à Markov, Bergevin marque-t-il une certaine rupture avec les cinq dernières années où tout passait par la défensive?
Au fond, avec un nouveau plan quinquennal, c’est un peu comme si Bergevin s’achetait du temps et qu’il concédait à l’idée de faire un pas de recul au tout début dans l’espoir d’en faire deux par avant un peu plus tard, sinon pourquoi aurait-il laissé filer Radulov et Markov?
Il savait depuis cet hiver ce qu’il en coûterait pour retenir les services des deux Russes. Or, avec un peu de créativité et le départ quasi inespéré d’Emelin, il était parfaitement possible de conserver les deux joueurs. Il a donc délibérément décidé – bien avant le premier juillet – de ne pas leur offrir ce qu’ils voulaient sachant très bien que les deux moineaux allaient y voir un message clair : It will be my way or the highway.
Du même coup, il se considérait donc prêt à prendre le risque de les perdre.
Des sources bien informées du côté du 98,5 (Dubé, Fournier, Langlois) avaient laissé entendre depuis avril que Markov ne serait pas de retour à Montréal. Bingo. On a pourtant été plusieurs à penser le contraire jusqu’à la dernière minute. Bergevin n’a donc pas dérogé de son idée dans ce dossier. Il n’y avait pas de fumée sans feu.
Puis, les messages sinueux et contradictoires précédant et suivant la non signature de Radulov indiquent à mon sens que Bergevin n’était pas prêt à mourir avec ce joueur. N’avait-il pas déclaré en mars dernier que Radulov n’était « pas indispensable aux succès futurs de l’équipe » . Il y avait des mots lourds de sens et plutôt annonciateurs là-dedans, non?
Des idées discutables, sans doute, laisser partir deux aussi bons joueurs, mais pas d’improvisation ici.
On ne peut qu’en conclure que, dans sa tête, les deux Russes ne valaient pas tous ces millions. Il a opté pour des options moins chères (et peut-être plus logiques, on verra) qui ont pour noms Drouin et Jerabek (et quelques plans en back-up).
La vraie pièce maîtresse de l’été : 8,4M$
Je crois donc personnellement que c’est à dessein que Bergevin se retrouve aujourd’hui avec 8,4 M$ à dépenser. Les départs de Markov et Radulov marquent donc cette rupture avec le dernier plan quinquennal, eux qui se voulaient des solutions à très court terme, des solutions auxquelles Bergevin ne croyait manifestement pas assez.
Bien avant Karl Alzner, et avec Drouin, l’autre pièce maîtresse du plan estival de Bergevin devient donc ce fameux 8,4 M$. Au début de son nouveau plan de cinq ans, Bergevin veut se positionner pour attraper le plus gros requin possible dans la piscine, et cela plus tôt que tard car pendant ce temps le prix des billets monte encore!
Et, pensez un peu à cela, pour que Bergevin préfère avoir 8,4 M$ dans ses poches plutôt que de s’entendre avec Radulov et Markov, c’est qu’il doit bien avoir entretenu quelques discussions sérieuses avec deux, trois homologues avant le 1er juillet, quelques dossiers qui lui présenteront une décision à prendre plus tôt que tard, non ?
Ou encore, pour préférer risquer perdre Radu et Markov, il doit être confiant de pouvoir frapper un grand coup avant le début ou à quelque part pendant la saison, sinon ce 8,4 M$ non dépensé n’a aucun sens pour une équipe riche dont le noyau est à maturité, non?
Est-ce que John Tavares, comme l’espère plusieurs, deviendra l’alpha et l’omega de ce plan ou Bergevin pourrait se tourner vers autre chose?