À quelques heures de la première ronde du repêchage de la LNH, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il était pratiquement impossible cette année de déterminer QUI le Canadien sélectionnerait au cinquième rang.
On ne cesse de passer et repasser – presque en boucle (!) – tous les différents joueurs qui pourraient être disponibles pour Kent Hughes et Jeff Gorton : Michkov, Smith, Reinbacher, Dvorsky, Leonard, alouette… Vous les connaissez autant que moi.
Plutôt que d’en rester aux joueurs possibles et sans toutefois perdre de vue les noms mentionnés, je crois plutôt qu’il faut, dans une perspective plus large, analyser les multiples scénarios qui pourraient se présenter à Kent Hughes et aux Canadiens de Montréal en première ronde.
Ces scénarios, vous en avez probablement épluchés quelques-uns. Mon collègue Charles-Alexis Brisebois en a d’ailleurs mentionné plusieurs récemment.
Mais de tous ces scénarios, lequel est le meilleur?
Lequel serait le plus à même de faire du Canadien une meilleure équipe à moyen et long terme?
Dans cette optique, en travaillant à partir de projections réalistes, règle générale, les clubs de la LNH prennent leurs décisions sur une base utilitariste, c’est-à-dire, qu’ils mettent les émotions et le bruit de côté et essaient d’être les plus rationnels possible en cherchant le scénario optimal, celui qui maximisera les avantages envisageables tout en tentant de réduire les risques et les inconvénients.
– Acquérir des joueurs plus costauds
– Essayer d’avoir trois choix de première ronde cette année
– Mettre la main sur de solides espoirs sur le point de s’établir ou d’exploser dans la LNH (Dach 2.0)
– Être plus compétitif dès l’an prochain
Quelques scénarios à éliminer d’entrée de jeu
Par souci de réalisme, éliminons tout de suite les scénarios qui verraient le CH monter et repêcher entre le 2e et le 4e rang. Ces situations sont rarissimes pour la simple et bonne raison que la plupart du temps, dans le top 3-4, les équipes ne veulent pas repêcher plus bas et risquer de se retrouver avec de moins bons joueurs ou des joueurs plus à risque à leurs yeux!
Si on part de la prémisse que la plupart du temps l’équipe qui se retrouve avec le meilleur joueur gagne l’échange, personne ne voudra se faire dire deux ans plus tard « tu as eu la chance de sélectionner Super-joueur-Untel-que-tout-monde-aimait et tu as bêtement accepter de descendre pour te retrouver avec Joe Bleau et/ou Paquet-de troubles-X!
Éliminons aussi tout de suite l’idée que les Coyotes pourraient offrir le 6e et le 12e choix au total pour mettre la main sur les 5e et 31e du Canadien. Si on prend pour acquis que Michkov ne voudrait probablement même pas jouer en Arizona et qu’ils perdraient le choix 12e dans la transaction, le ratio n’est pas assez avantageux pour les Coyotes ; les chances de « frapper une fausse balle » au 31e rang sont beaucoup trop grandes à comparer au 12e rang.
Enfin, pour les besoins de la cause, éliminons tous les scénarios qui impliqueraient le 5e choix au total et Pierre-Luc Dubois (si jamais le dossier trainait jusqu’à mercredi soir). Les probabilités que le 5e choix au total cette année devienne un meilleur joueur que Pierre-Luc Dubois dans un délais raisonnable sont trop élevées, et de toute manière, Winnipeg rechercherait surtout des joueurs « établis ».
Si Dubois venait à débarquer à Montréal d’ici peu, ça se fera en passant par d’autres chemins.
Passons donc aux choses sérieuses.
1. Le Canadien repêche au 5e rang
Statistiquement, il s’agit sans doute du scénario le plus réaliste : les clubs qui peuvent repêcher au 5e rang n’échangent presque jamais leur choix. Ça fait 15 ans que ce n’est pas arrivé. Ils voient généralement dans ce joueur une pièce maîtresse pour le futur de leur concession, une (super)vedette en devenir qu’ils n’ont qu’à cueillir gratuitement sans ne rien devoir à personne.
Bluff ou pas, Hughes a lui-même précisé qu’il serait « très content » de conserver son choix au 5e rang.
Rien de bien original ici. Il maximise la valeur de son choix au 5e rang en disant être prêt à le conserver et il est sans doute confiant de repêcher un futur joueur vedette, un joueur qui pourrait être très avantageux pour son équipe, à cet échelon.
Scénario 1A : À mes yeux, s’il était encore disponible, que son entrevue s’était bien déroulée avec le Canadien, qu’on a établit que le risque en vaut clairement la chandelle et que Geoff Molson est d’accord (car oui, dans le cas précis de Michkov, il faudrait probablement l’accord du patron), on serait fou d’écarter le Russe du portrait.
S’ils sont disponibles, on pourrait en dire autant des Fantilli, Carlsson et Smith. Avec Bédard, ces trois autres attaquants complètent le Big-5 de cette année en fait de talent brut. Ce sont tous des joueurs assez rares qui semblent se détacher des autres.
Sans surprise, repêcher n’importe quel joueur du BIG-5 en 2023 est un scénario à mes yeux réaliste et probablement optimal pour le Canadien au 5e rang.
On décide donc de repêcher David Reinbacher ou Dalibor Dvorsky.
Pour faire une histoire courte, on pourra en débattre ailleurs, mais je ne vois pas Ryan Leonard dans la même catégorie. Leonard est plus un accompagnateur qu’un « play driver ».
Dans le cas de Reinbacher, le CH se retrouverait avec le meilleur défenseur du repêchage, grand, talentueux et droitier de surcroit. Selon toute vraisemblance, un futur gars de première paire, capable de jouer 24-25 minutes par matchs. Ses statistiques en Suisse cette saison étaient presque identiques à celles d’un certain Roman Josi, qui évoluait dans la même ligue à son année de repêchage.
Difficile de s’opposer complètement à ça!
Avec les informations actuelles, donc, avant l’importante rencontre de l’organisation avec Michkov, et si on écarte momentanément les options trade down (on y reviendra dans quelques instants), repêcher David Reinbacher au 5e rang m’apparaît comme étant un scénario assez réaliste.
Optimal? Hmmm. Vraiment pas si sûr.
Dans le second cas, avec Dvorsky, l’organisation se retrouverait avec le meilleur centre encore disponible, un joueur costaud (6’1, 201 lbs), bon dans tout et excellent au U18 dans son rôle de leader de la Slovaquie. Dvorsky est aussi huit mois plus jeune que Fantilli et six mois plus jeune que Carlsson… Qui sait s’il ne deviendra pas aussi bon que les deux autres d’ici quelques années?
Et si en plus Hughes commençait à douter sérieusement que Pierre-Luc Dubois atterrisse un jour à Montréal, Dvorsky serait une jolie police d’assurance…
Enfin, quelle superbe nouvelle ça ferait pour Juraj Slafkovsky, qui pourrait sous peu évoluer avec un compatriote dont le style, qui n’est pas sans rappeler celui de son ami Sean Monahan, le complèterait à merveille. Et quand on a vu le poids autour de la table qu’avaient les recruteurs européens de ce secteur l’an dernier, la possibilité que le CH repêche Dvorsky au 5e rang n’a rien de farfelue. À moyen terme, Dvorsky pourrait tout aussi bien devenir un meilleur joueur de centre que Nick Suzuki et Kirby Dach ou, à tout le moins, un joueur du même calibre.
Encore là, on pourrait difficilement cracher là-dessus.
Mais est-ce le scénario optimal au 5e rang si Michkov est encore disponible?
Que Michkov soit disponible ou pas, mais surtout s’il est disponible, c’est ici qu’au moins trois possibilités fort intrigantes existent avec les Flyers, les Caps et les Red Wings.
Scénario 2A : Les Wings avec les choix relativement rapprochés #9 et #17 pourraient très sérieusement faire réfléchir les décideurs du CH, qui ont souvent exprimé le souhait d’avoir trois sélections en première ronde cette année. Il est effectivement fort possible que Bobrov et sa bande aient deux cibles encore présentes à ces rangs dont la valeur cumulée serait supérieure à celle des choix #5 et, disons, # 37 selon leurs analyses.
Par exemple, peut-être qu’au neuvième rang ils pourraient mettre la main sur, disons, un Oliver Moore qui serait 7e sur leur liste et, au 17e rang, peut-être qu’un Quentin Musty, 12e selon eux, serait encore disponible. Mais peu importe les noms qu’on place ici, vous comprenez l’idée…
Rajoutez à cela la possibilité de repêcher le gardien tchèque de 6’6 Michael Hrabal au 31e rang avec les choix des Panthers et on aurait TOUTE une première ronde à se mettre sous la dent mercredi soir les amis…
Mais surtout, pour monter au 5e rang, il faudrait que les Wings incluent un espoir de premier plan dans la balance. Parlant de gardien de 6’6, le Canadien Sebastian Cossa, 20 ans, choisi 15e au total en 2021, comblerait une belle lacune dans l’organisation montréalaise et se verrait une belle police d’assurance si jamais Hrabal n’était plus disponible au 31e rang.
Sinon, le très polyvalent et apprécié de tous, l’attaquant autrichien Marco Kasper, choisi 8e l’an dernier, pourrait aussi être une avenue très intéressante, mais il faudrait vraiment que Detroit tienne au 5e rang pour le rendre disponible…
Scénario 2B : Pour toutes les raisons que l’on connaît, les Capitals pourraient très certainement se montrer TRÈS agressifs dans le dossier Michkov et il serait très surprenant que de sérieux pourparlers avec les équipes qui les précèderaient sur le podium ne soient pas déjà eu cours. Pour pouvoir mettre la main sur Michkov et assurer la pérennité d’un joueur vedette (russe) à Washington, les Caps pourraient devoir céder, au bas mot, leur sélection au 8e rang cette année, leur choix de première ronde l’an prochain et au moins un solide espoir.
Au 8e rang, le CH aurait encore de fortes chances de mettre la main sur un des joueurs qu’ils ont encore en très haute estime (mettez le nom que vous voulez ici). Le choix de première ronde des Caps l’an prochain a également des bonnes chances d’être encore dans le top-10. Puis, obtenir un espoir intéressant comme Hendrix Lapierre, récent choix de 1ère ronde en 2020, qui vient de remporter la Coupe Calder avec Hershey dans la AHL, viendrait couronner le tout.
Lapierre, 21 ans, efficace dans les deux sens de la patinoire, n’a pas un potentiel aussi élevé que Kirby Dach, cela va de soi, mais Hughes – comme il en avait exprimé le souhait ce printemps – obtiendrait ainsi un autre attaquant talentueux, un peu sous-estimé, comptant déjà quelques saisons complètes de développement derrière la cravate et qui a tout de même connu une première campagne encourageante à Hershey dans la AHL avec 30 points, +7 en 60 matchs.
Le grand, mais fragile, Anthony Mantha et son gros salaire pour encore un autre saison, pourrait aussi être inclus dans la transaction d’une manière ou d’un autre. On sait que les Caps chercheraient à s’en départir… En santé, il peut contribuer à faire du CH un club plus compétitif dès l’an prochain.
Pour être crédibles, surtout s’ils désirent Michkov, en plus de leur choix au 7e échelon et d’un choix de 1er tour l’an prochain, les Flyers devraient absolument céder le gros ailier droitierTyson Foerster, ancien choix de 1ère ronde en 2020, dans la transaction.
Foerster, 21 ans, 6’2 et 194 livres, vient de casser la baraque à sa première saison dans la AHL avec 20 buts et 48 points en 66 matchs à Lehigh Valley en plus d’avoir enregistré 7 points dont trois buts en 8 matchs en fin de saison à Philadelphie. Sans être le plus rapide, le costaud Foerster, possède un lancer de feu et est un véritable poison autour du filet adverse.
Le Canadien mettraient ainsi la main sur son fameux « espoir de haut niveau presque établi dans la LNH », de surcroît, un joueur costaud comme il comptait ouvertement en acquérir en plus de se retrouver encore avec un choix très convoité au 7e rang, soit Reinbacher, Dvorsky (ou Leonard si vous y tenez). Dans un scénario incluant Michkov, le choix de première ronde des Flyers l’an prochain serait la cerise sur le sundae obligatoire pour battre l’offre des Caps et celle des Wings.
Bref, en toute logique, choisir un des membres restant du Big-5 au 5e rang constituerait bien sûr un scénario réaliste et passablement optimal pour le Canadien.
Mais si seul le polarisant Michkov est toujours disponible au 5e rang et que l’organisation montréalaise, incluant le proprio, Geoff Molson, ne l’aime pas pour toutes sortes de raisons qui lui appartienne, pour la première fois en 15 ans, un club au 5e échelon pourrait bien être tentés d’«échanger vers le bas » (trade down) dans le top-10 du repêchage.
Et ce ne serait pas nécessairement une mauvaise chose, loin de là! Michkov a probablement une meilleur valeur d’usage dans des marchés autres que Montréal.
Comme on a pu l’analyser, ces scénarios réalistes trade down, surtout s’ils incluent Michkov, semblent être ceux qui maximiseraient le plus la valeur du choix au 5e rang, surtout si on les compare à l’idée de passer par-dessus Michkov et sélectionner directement un Reinbacher ou un Dvorsky.
Ces options trade down avec les clubs mentionnés, même si elles ne sont pas exactes à 100 %, pourraient toutes en théorie améliorer le Canadien à moyen et long termes en répondant le mieux aux différents désirs exprimés par l’organisation, soit mettre la main sur plus de choix de première ronde (idéalement cette année, mais bon on ne cracherait pas sur un potentiel top-10 l’an prochain), acquérir de solides espoirs possédant déjà une certaine maturité et, si possible, grossir la formation par la même occasion.
Le cas échéant, resterait à voir si des clubs mordraient à l’hameçon en se montrant prêts à payer le prix.
On se reparle après le repêchage!