Les p’tits breuvages alcoolisés de Trevor Timmins goûtaient sans doute tous un peu meilleurs qu’à l’habitude lors du temps des Fêtes. Les p’tites bières d’après-midi étaient douces, douces, douces et rafraichissantes à souhait. Les p’tits verres de vin, blanc ou rouge, n’avaient jamais aussi bien accompagné la proverbiale dinde, et que dire des p‘tits scotchs de fin de soirée, tantôt mielleux, tantôt juste assez tourbés, qui lui faisaient tous faire des beaux ti-dodos comme on les aime.
Bon, tout ça c’est s’il boit de l’alcool, bien sûr!
Qu’importe, jamais dans ses rêves les plus fous Trevor Timmins n’aurait pu espérer un aussi bon tournoi junior pour ses ouailles.
Déjà, la quantité était impressionnante : Sept joueurs.
C’eut été huit si Joni Ikonen – présent l’an dernier – avait pu se rétablir à temps de sa blessure. Et on ne parlera pas de Kotkaniemi, futur premier centre de l’équipe, bien installé sur le 3e trio à Montréal.
Mais, au-delà de cette quantité quasi pharaonique, c’est la qualité qui a sans doute le plus impressionné.
Grosso modo, on peut argumenter que le CH comptait sur 4 des 20 meilleurs joueurs de la compétition, dont 3 dans le top 10. De beaux pourcentages…
Du côté des Brook, Suzuki et Olofsson, si on a peut-être été quelque peu déçu de leur production et de leur jeu ici et là, il faut aussi, comme on le verra plus bas, relativiser deux, trois choses dans leur cas.
Bref, pour mettre les choses en perspectives, il faut probablement remonter à la période de 1984-1986, qui a vu éclore presque simultanément les Chris Chelios, Petr Svoboda, Patrick Roy, Stéphane Richer et Claude Lemieux pour voir un pareil noyau de talent poindre à l’horizon. Plus récemment, on pourrait peut-être aussi penser à Price, Latendresse, McDonagh, Pacioretty et Subban de 2005 à 2007… Mais, jusqu’ici, disons que ç’a moins bien viré avec ceux-là!
En lisant plus bas les analyses sur les meilleurs espoirs du Tricolore présents au dernier CMJ, on se posera donc cette question ultime : a-t-on enfin trouver les morceaux manquants aux fondations d’un « power house »?
Êtes-vous prêts? On part!
Romanov : le meilleur défenseur gaucher de l’organisation joue dans la KHL
Voici celui qui est selon moi (et sûrement de plus en plus de monde) devenu le plus bel espoir de l’organisation à ne pas jouer dans la LNH. Et même là, il sera intéressant de suivre qui de Kotkaniemi et Romanov connaîtra la plus belle carrière.
Romanov, meilleur défenseur du tournoi à 18 ans, a un « effet wow » (un concept appris au Maxi de Lévis circa 1996) que les autres espoirs du Canadien n’ont pas.
On peut déjà avancer cet autre commentaire audacieux : Malgré ses 18 ans, Romanov est présentement le meilleur défenseur gaucher de l’organisation. Étant donné la faiblesse organisationnelle à cette position, en ce mois de janvier 2019, D’aucuns avanceraient qu’il pourrait déjà être le partenaire régulier à la gauche de Shea Weber qu’on aurait déjà entendu des idées plus folles.
Dommage qu’il ne sera pas à Montréal avant 2020…
Je n’en vois pas de plus mobile, agile et fluide dans toutes les directions sur patins. Même pas Mete.
Je n’en vois pas de plus costaud, naturellement fort, avec un aussi bon équilibre sur patin.
Et je n’en vois même pas de meilleur offensivement, ni défensivement. Son sens du jeu est de loin supérieur à la moyenne.
Donc, 1+1+1+1+1 = 5
Je renchérirai encore en disant que je le préfère à Sergachev, et j’aimais beaucoup Sergachev. Je ne crois pas qu’il soit meilleur offensivement que ce dernier, mais il patine aussi bien et est certainement plus complet avec, en supplément, une petite attitude « in your face », très allumée, qui déplaît assurément à l’adversaire.
Romanov c’est bien plus que le « nouveau Emelin plus énergique » qu’on anticipait. C’est un mélange d’Emelin et Sergachev avec une pincée de l’intelligence de Markov. Et, comme le disait récemment Francis Bouillon, il aime ça jouer au hockey, et ça paraît à chaque présence.
Romanov a donc tout pour devenir un défenseur #1 ou 2.
Avec le recul, il faudra avouer que l’évaluation audacieuse de son agent en juin dernier était tout à fait juste : Romanov aurait dû être repêché dans les 10 premiers. Boom!
Vous n’avez qu’à refaire le repêchage pour vous en convaincre!
Poehling : prêt pour la LNH
Il a l’intelligence, il a la carrure, il a l’attitude et il a aussi du talent. Pas un talent d’exception, mais un beau talent quand même. Le plus récent MVP du CMJ – il avait souvent l’air d’un homme parmi les enfants – Ryan Poehling, se situe probablement quelque part entre Toews et Danault – quand même plus près de ce dernier – et je suis convaincu que c’est pas mal l’évaluation qu’en a fait l’état-major du Canadien. Pour preuve, rappelons-nous que Bergevin a refusé une transaction Poehling vs O’Reilly pas plus tard que l’été dernier, au repêchage…
Il n’a malheureusement pas la « finesse » ou la « finition » de Toews autour du filet. Et, à la lumière d’une ronde éliminatoire dans laquelle il a été blanchi, puis d’une troisième période pénible lors du match ultime, on attendra avant de comparer son leadership et sa capacité à élever son jeu (clutchitude!) aux fameux « intangibles » déjà légendaires de Captain Serious.
Mais, à sa défense, Poehling n’a pas mal joué, ni en quart, ni en demi-finale, et le match décisif s’est vraiment joué sur des détails. L’espoir du Canadien – peut-être le meilleur attaquant des siens lors des deux premières périodes de cette même finale – aurait très bien pu terminer la soirée avec un but et quelques passes et, avec un peu de chance et plus d’opportunisme, les Américains auraient pu gagner.
Évoluant à l’aile gauche sur la première vague de l’avantage numérique, posté devant le but et sur le côté du filet « à la Van Riemsdyk », Poehling a tenté de belles passes entre ses patins (dont une à Walhstrom qui s’en souviendra…) et des tirs sur des tourniquets, alternant les deux options.
Il faut par ailleurs toujours se méfier des idées qu’on peut se faire à partir de données brutes ou d’honneurs obtenus lors d’aussi courtes compétitions. Dans le cas de Poehling, ça vaut autant pour son titre de MVP que sa fin de tournoi moins concluante. Restons stoïques.
Mais si jamais le CH joue au hockey en avril, il serait très intéressant et encourageant de voir Poehling se joindre à l’aventure. Comme centre de 4e trio, il semble déjà supérieur à Chaput. Et même si depuis juillet, après des débuts très modestes, le talentueux Kotkaniemi a énormément progressé, à cause de sa maturité physique, Poehling est peut-être encore supérieur au Finlandais à certains égards.
C’est donc à suirrrrrrrrrrrre!
Cayden Primeau : the real deal
J’avoue ne pas être en mesure d’évaluer le talent et le potentiel de Primeau de la même manière que je peux le faire pour les attaquants et les défenseurs. Mais ce qu’a réussi à accomplir Primeau depuis son repêchage par le Canadien en 7e ronde, 199e en 2017 – sans oublier sa victoire « pré-repéchage » au Tournoi Yvan Hlinka en 2016 – est tout simplement remarquable.
La semaine dernière, les Américains se sont tournés vers le « fils de Keith » lorsque ça comptait le plus et il a été quasi parfait. La défaite contre les Finlandais n’est aucunement de sa faute, il a été battu sur trois jeux où il n’y pouvait absolument rien.
Un tir sur réception parfait de Ylonen, à contre-courant, à l’intérieur du poteau.
Un tir voilé de la ligne bleue.
Un troisième retour de lancer sur le but vainqueur de Kakko.
Comment a-t-il pu être repêché aussi loin, ce Primeau? Disons simplement que son coach des gardiens de buts des Stars de Lincoln, qui avait bavassé des choses pas jolies sur son cas a perdu son poste tout juste avant le repêchage de ce dernier. De son côté, le DG du club, un certain Jon Hull, ne partageait pas l’avis du coach des goalers…
On peut dire sans se tromper que le gardien de 6’3 et 198 lbs est le meilleur espoir de la Flanelle à cette position depuis Carey Price, qu’il pourrait épauler, puis, qui sait, remplacer un jour.
Autre option : Si les gardiens de but ont perdu énormément de valeur au repêchage au fil des ans, celle-ci remonte lorsqu’ils font leurs preuves plus tard dans leur carrière. Ainsi, des Schneider et des Talbot, par exemple, ont-ils pu valoir des assez hauts choix au repêchage dans les dernières années…
Peu importe, la sélection de Primeau génère jusqu’ici une plus-value inespérée pour le Tricolore. Ç’a tout l’air d’un coup de maître. On le classe déjà parmi les 12 plus beaux espoirs à sa position et plusieurs dans cette liste sont beaucoup plus âgés que lui…
Jesse Ylonen : l’ailier fluide et talentueux
S’il y a un mot pour décrire Ylonen, c’est sans doute : fluidité. Cet autre talentueux Finlandais me rappelle un peu le jeune Ales Hemsky, droitier lui aussi. Maître de la progression en zone centrale et des entrées de zone en possession de rondelle, Ylonen fait reculer les défensives adverses et aime laisser le disque pour un coéquipier en retrait. Mais contrairement à Hemsky, et un peu comme Panarin, Ylonen adore aussi tirer au filet et lorsqu’il n’a pas la rondelle, il est habile pour se démarquer et se faire oublier en territoire ennemi. Sans être le plus puissant, son tir est précis et sa dégaine rapide et difficile à lire, un peu à la Kucherov.
On l’a aussi vu patiner en finale dans la même foulée que Quinn Hughes, le meilleur-patineur-de-la-cuvée-2018tm. Cette qualité exceptionnelle lui assure presque à elle seule sa place dans la LNH dans un avenir tout à fait raisonnable (son entraîneur en Finlande dit deux ans). Ses feintes et son maniement de rondelle en rajoutent une autre couche. Voilà un ailier encore en pleine progression et dont les qualités offensives indéniables – pas un manchot en défensive pour autant – font qu’il a tout pour compléter des joueurs de grand talent. Pensons à Kotkaniemi…
Le longiligne Ylonen (6’1, 172 lbs) n’est pas un pur-sang comme le jeune Kaapo Kakko. Il n’a pas non plus le dynamisme et la force de Kupari (mais sa vision est meilleure), ni les qualités de fabricant de jeu de son autre compatriote Heponiemi (quelle trouvaille celui-là pour les Panthers en 2e ronde!). Mais si on le compare à un autre récent ailier « talentueux et offensif » choisi à un rang plus ou moins comparable par le CH, Nikita Scherbak (26e en 2014), on réalise que Ylonen est clairement supérieur. Il est non seulement plus talentueux en général, il semble aussi plus efficace. On pense qu’on ne le voit pas trop dans un match, et paf, il te sort une montée, une feinte, une passe ou un tir de son chapeau qui vous font ouvrir les yeux un peu plus grands.
Mon petit doigt me dit qu’il a dû piquer la curiosité de pas mal de DG celui-là. Restons calmes, mais voilà un joueur au potentiel fort intriguant à ne pas sous-estimer. Il a d’ailleurs beaucoup mieux paru que Suzuki lors de la compétition… On y reviendra.
Josh Brook : un mauvais casting?
Les commentaires sur le jeu de Brook lors du tournoi ont été plutôt fades. Mais on notera qu’on a demandé au droitier Brook de jouer du côté gauche, un phénomène plutôt rare dans le hockey de haut niveau, un droitier à gauche… N’empêche, j’ai plutôt aimé ce que j’ai vu de Brook. À mon avis, Tim Hunter, qui a coaché comme un pied tout au long du tournoi, aurait eu intérêt à utiliser davantage son défenseur étoile à Moose Jaw au détriment du très surévalué Evan Bouchard, qui ressemble étrangement à autre mauvaise sélection des Oilers en première ronde…
Brook n’a pas le dynamisme de Romanov, mais, à choisir, à moyen et long termes entre lui et Juulsen du côté droit, je me tournerais vers Brook. Le Saskatchewannais est bien supérieur à Juulsen en possession de la rondelle – c’est notamment un excellent passeur – et il se tire plutôt bien d’affaires défensivement, quoique moins robuste de l’Albertain.
Le grand déblocage de Brook (ainsi que les performances encourageantes de Fleury à Laval) ouvre peut-être la porte à un échange de Juulsen (ou Fleury!), mais c’est un débat pour un autre jour…
Nick Suzuki : Une étoile un peu plus pâle, mais…
Un peu comme pour Brook, il faut relativiser les commentaires sur la performances de Suzuki au CMJ. Lorsqu’un club mal dirigé déçoit dans une compétition du genre, bien peu de joueurs paraissent bien. C’est pourquoi, même si Suzuki a dû se contenter de 3 passes en 5 matchs, il faut noter qu’il a réalisé plusieurs beaux jeux et a su nous montrer ses forces à commencer par sa créativité et ses talents de passeurs.
Il ne sera probablement jamais le plus rapide, mais ne lancez pas la serviette trop vite. Les exemples de joueurs ayant drastiquement amélioré leur coup de patins abondent ces dernières années, surtout chez ceux de plus petites statures. Pensons à Brayden Point à Tampa Bay, et si on remonte un peu, à David Desharnais qui est carrément passé de médiocre chez les juniors à patineur élite à ses meilleurs années à Montréal. Lehkonen en est un autre qui s’est tranquillement amélioré depuis son arrivée à Montréal.
Bref, on reparlera de son coup de patin dans un an ou deux. Ma prévision c’est que ça ne posera plus problème. Cela dit, si Suzuki avait le coup de patin de Ylonen, il serait probablement déjà dans la LNH.
Jacob Olofsson : Un premier CMJ « correct »
Olofsson ne sera jamais une vedette offensive. Jamais. Il pourrait cependant devenir un assez bon joueur dans les deux sens de la patinoire. Pour l’instant, il est surtout bon défensivement. Toutefois, encore ici, il faut de la perspective. Pour un premier CMJ à 18 ans, il a bien fait pour son pays, et si l’on considère qu’il est un choix de fin de deuxième ronde, on ne devait pas s’attendre à plus. L’an prochain lorsqu’il aura presque 20 ans, on pourra revoir ces attentes à la hausse, un peu comme on l’a fait avec Poehling cette année, toutes proportions gardées.
Dans le style « centre two-way », Olofsson est une grosse coche ou deux sous Poehling et certainement une bonne coche sous Danault. Bref, pour l’instant, Olofsson n’est rien d’autre qu’un espoir de profondeur. Disons, que si sa carrière prend une direction semblable à celle de Jacob de La Rose, personne ne sera surpris. S’il en donne un peu plus, tout le monde sera ravi.
S’il y a un candidat à un échange parmi les sept joueurs présents au dernier CMJ c’est lui.
Une maison bien construite? Oui. Un « power house »? C’est moins certain…
On dit souvent que ça prend un très fort axe gardien-défense-centre pour rêver aux grands honneurs. Primeau-Romanov-Poehling viendront certainement renforcer cette colonne vertébrale, déjà plutôt bien alignée avec les vétérans Price, Weber et Petry et le trio Kotkaniemi-Domi-Danault au centre. Les fondations de la maison et les murs porteurs seront assurés pour un bon bout.
Du côté de Brook, Suzuki et Ylonen, si rien ne bouge, on parle de trois jeunes qui vont venir rajouter de nouvelles pièces, au goût du jour, avec beaucoup de luminosité.
Vu d’ici, la « maison tricolore », ne sera peut-être pas la plus tape-à-l’oeil du quartier, mais elle sera bien construite et pas mal profonde.
Cela dit, pourrait-elle faire du bruit au printemps (et là on ne parle pas de toit qui coule ou de reflux d’égouts)?
Disons qu’il faudra encore quelques coups de baguettes magiques de Bergevin et Timmins pour en faire un vrai « power house ». Et, parlant de puissance, en plus d’un autre bon défenseur gaucher, ça prendrait aussi un peu de muscles et de talent en attaque
Y a-t-il un autre genre de Tkachuk dans votre mire, M. Timmins?
En attendant, le polyvalent Charlie Coyle, 27 ans en mars, sous contrat encore l’an prochain (3,2M$), a de quoi faire réfléchir. Il a, comme par hasard, été l’attaquant du Wild le plus utilisé au Centre Bell lundi dernier, tiens, tiens…
Dans le calepin
Je vous reviens bientôt avec deux, trois idées de transactions. Bergevin n’échangera pas ses plus beaux joyaux, mais quand on regarde juste un peu plus loin, incluant les deux choix de deuxième ronde de juin prochain et quelques joueurs évoluant à Montréal ou Laval, il a des atouts de qualité dans son jeu.
Comme disait encore Guy Carbonneau l’autre jour à l’Antichambre, « ils ne pourront pas tous jouer à Montréal »…
Bergevin va bouger.