Slafkovsky ou la première symphonie d’un jeune virtuose

Tchaïkovsky, Stravinsky… Slafkovsky!

Grâce à un excellent ami (appelons-le « Scoop ») qui me procure régulièrement d’excellents billets pour d’excellents spectacles « gratissssss » en ville, j’ai eu l’immense privilège d’entendre et de voir l’« héroïque » 3e symphonie de Beethoven jeudi soir, une œuvre majeure en quatre mouvements initialement dédiée à… Napoléon Bonaparte! Ça marquait aussi le retour de Maestro Kent Nagano, toujours acclamé comme une « rock star » lorsqu’il revient habiter « sa » Maison symphonique.

Cherchant un sujet pour ma chronique hebdomadaire, cette soirée magique en compagnie de « Scoop », Nagano et Beethoven m’a étrangement inspiré une réflexion sur la saison du jeune prodige de 20 ans – une autre « rock star » à sa façon – que le Canadien a judicieusement repêché au premier rang, en plein Centre Bell à l’été 2022 : Juraj Slafkovsky.

Même si elle n’a pas été parfaite, la deuxième campagne du Slovaque – sa première saison complète – peut s’interpréter comme sa première grande symphonie. Et comme la plupart des oeuvres symphoniques, on peut en faire l’analyse en quatre mouvements distincts que l’on a tous pu observer.

Décortiquons tous ça!

1. Mouvement rapide

La symphonie de Slafkovsky a d’abord commencé, comme le veut la tradition, par un mouvement rapide. Dans son cas, on peut dire très rapide! Elle se résume au tout premier match de la saison alors qu’il avait fait flèche de tout bois aux côtés de Kirby Dach et Alex Newhook, terminant la soirée avec une passe sublime et une fiche de +2. Son trio avait littéralement fait pencher la glace d’un côté contre les Leafs en lever de rideau.

On se disait alors qu’on allait peut-être assister à quelque chose de grandiose…

2. Mouvement lent

Toujours dans la plus pure tradition symphonique, la saison du Slafer a ensuite pris une tournure beaucoup plus lente et triste, une genre de « marche funèbre », qui l’a conduit au 12 novembre avec une fiche de deux petits points en 15 matchs. C’est lors de ce mouvement que les murmures de la foule et certaines chroniques sportives l’envoyaient tantôt à Laval, tantôt à la morgue des « flops » légendaires choisis au premier rang…

Mais les plus fins observateurs, à commencer par Maestro St-Louis, voyaient qu’en dépit des statistiques, le jeu de Slafkovsky laissait présager de belles choses… On le préparait tranquillement, étape par étape, pour de plus grandes responsabilités.

3. Rondo et scherzo!

En musique classique, le rondo, souvent utilisé au troisième mouvement, est basée sur une alternance entre une partie récurrente (le refrain) et plusieurs parties contrastantes (les couplets). Si on ne vient pas de décrire précisément la tournure qu’a prise la saison du « gros petit Mozart » du CH à partir du moment où on l’a définitivement jumelé à Suzuki et Caufield sur le premier trio le 4 décembre, je ne sais pas ce qu’on a fait!

Match après match le refrain de Slafkovsky s’est transposé par un jeu complet, un effort archi-constant, une présence sur la patinoire, comme on en a peu vu à Montréal lors du dernier quart de siècle. Comme un genre de « Kovalev en formation »… qui se présenterait à chaque soir!

Un jeune Kovalev – qui n’est pas sans aussi rappeler un jeune Jagr – ayant repris goût à la « rigolade » et au « badinage », retrouvant son entraînant scherzo!

Bien sûr, ce beau refrain, cette belle constance dans ce mouvement, s’est accompagné de quelques moments plus calmes. Mais ceux-ci ne faisaient que mieux nous préparer aux prochains coups d’éclat, à mieux nous faire apprécier les contrastes avec les couplets exubérants à venir. En fait, durant ce mouvement qui a augmenté en intensité à compter du 16 décembre, Slafkovsky n’a jamais été plus de quatre matchs sans s’inscrire au pointage.

4. Finale rapide et fortissimo!

Après une légère accalmie de trois matchs à la fin du 3e mouvement qui se termina le 7 mars en Caroline – un troisième match consécutif, sans point durant lesquels il a cumulé une fiche de -6 – le jeune virtuose a débuté la partie finale de sa première œuvre majeure.

Depuis le 9 mars, Slaf a enregistré pas moins de 17 points en 15 matchs, tout en maintenant un différentiel positif de +1. Il aura connu au passage une irrésistible séquence de neuf matchs avec au moins un point. Puis, marquant le début de la « grande finale » il y est allé d’un retentissant coup de cymbale mardi dernier avec un premier tour du chapeau en carrière contre des Flyers assommés.

Mais même lorsqu’il ne s’inscrit pas au pointage comme jeudi soir contre les Islanders, Slafkovsky, reprenant son refrain en y ajoutant un thème de plus en plus récurrent, fait des actions qui contribuent directement aux buts des siens, comme se dresser autoritairement devant le filet adverse.

De mémoire, il faut remonter à John Leclair en finale de la Coupe Stanley contre les Kings de Los Angeles pour revoir ce genre de présence imposante, voire indélogeable devant la cage ennemie.

Une équipe ne peut pas aspirer aux grands honneurs sans un soldat volontaire et capable de jouer ce rôle sur une base régulière. En temps et lieu, cette qualité de Slafkovsky sera très payante.

Conclusion
Il ne reste plus donc que les derniers roulements de timbales, les derniers accords agonisants des cordes et les puissantes détonations finales des cuivres pour clore cette première grande symphonie de Slafkovsky qui nous a fait vivre une belle gamme d’émotions.

Je ne sais pas s’il en cumulera neuf, douze ou quinze, mais puisque la carrière du jeune compositeur de 20 ans ne fait que débuter, gageons que – comme pour Beethoven – ses plus belles œuvres sont à venir.

Et ça, c’est de la musique aux oreilles de bien des gens.

Petoum-Pishhh!

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