Pourquoi placer Reinbacher au premier rang de ce classement des plus importants espoirs du CH devant Kaiden Guhle, Juraj Slafkovsky et Lane Huston qui, chacun à leur façon et pour différentes raisons, pourraient tous prétendre au trône?
Allons-y à la mitraille pour Guhle et Slaf.
Premièrement, au même âge, Reinbacher est tout simplement meilleur en général que Guhle. J’appuie Simon Boisvert à 100 % sur celle-là. Je rajouterais que même à l’heure actuelle, il n’est pas si loin de l’Albertain à bien des égards…
Ensuite, le sens du jeu de Reinbacher est beaucoup plus développé que celui de Slafkovsky. S’ils avaient été repêchés tous deux en 2023, une majorité d’équipes aurait opté pour Reinbacher avant Slafkovsky. C’est une idée assez consensuelle qui est ressortie du dernier repêchage.
Maintenant, le choix de le placer devant Lane Hutson a été un peu plus déchirant et s’est vraiment joué sur des décimales et sur une réflexion plus poussée.
Au-delà des décimales, donc, comment justifier de placer Reinbacher devant Hutson qui a brisé le record de points de la NCAA pour un défenseur recrue, supplantant ainsi Brian Leetch et tous les Hughes et Makar de ce monde, et qui est même parvenu à dominer au Championnat mondial senior malgré son modeste physique à tout juste 19 ans?
Certains me répondront en choeur sur Facebook « Hutson est trop petit et a été repêché en fin de 2e ronde, pas besoin de se casser la tête ! »
Ce sont les mêmes qui disent que Hutson est un défenseur « à risque » malgré sa fiche de +133 à ses 148 derniers matchs, tout en enregistrant 161 points au passage…
Bref, des arguments massue en faveur de Hutson, il y en a… en masse.
Ce n’est donc pas une mince tâche de placer l’Autrichien devant Hutson. Reinbacher lui-même voit Hutson comme le prochain Makar!
Mais je préfère plutôt procéder par une analogie culinaire pour justifier et illustrer mon point de vue.
Imaginons que le travail de chef Jeff Gorton et de chef Kent Hughes est de faire un gâteau au chocolat.
À quelle saveur est le gâteau ?
Au chocolat.
Mais que serait le chocolat sans le gâteau?
Juste du chocolat, essentiellement de la poudre de cacao.
Et donc, pour lui donner une structure, pour en faire un gâteau au chocolat, ça va prendre du lait, des œufs, de la farine et du sucre.
Reinbacher, c’est le lait, les œufs, la farine et le sucre.
Tout les ingrédients qu’on voit moins, goûte moins et sent moins, mais sans lesquels il n’y aurait juste pas de gâteau.
Ainsi, Hutson mettra nos sens en éveil et donnera la saveur, la couleur et l’odeur au jeu du Canadien.
C’est très important; l’offensive de Hutson va faire gagner des matchs, vendre des billets et augmenter les cotes d’écoute… et sa défensive ne devrait pas faire perdre l’équipe très souvent.
Reinbacher, de son côté, assurera toute sa structure, la cohésion, l’efficacité et la fiabilité… avec quand même une pincée de sucre!
C’est très important; ça peut faire gagner des séries et des championnats… Et ça aussi, au bout du compte, ça fait vendre des billets et monter les cotes d’écoute.
Potentiel : 37.5/40
Assurance : 18.5 /20
Valeur d’usage : 27.5/30
Valeur d’échange : 9/10
Total : 92.5 / 100
Potentiel : 37.5 / 40
On ne repêche pas un défenseur au 5e rang d’un repêchage aussi riche en attaquants si on ne le croit pas capable d’occuper un rôle clé sur une première paire pour de nombreuses années, ou si on ne croit pas que son potentiel est celui d’un défenseur élite.
On ne souhaite pas juste sélectionner un simple top-4 au 5e rang !
Les oreilles me frisaient un peu en entendant des projections conservatrices du genre après son repêchage…
À son année de repêchage, Reinbacher a présenté des statistiques supérieures à celle de Roman Josi dans la ligue élite de Suisse. En fin de saison, il était déjè devenu le défenseur numéro 1 de son équipe à 18 ans, un fait archi rare dans cette ligue que plusieurs – dont Guy Boucher – estiment plus forte que la AHL.
Certains aiment bien le comparer à Moritz Seider. D’autres parlent de Roman Josi.
Sans doute pour baisser les attentes, Mathias Brunet a récemment avancé les noms de Adam Larsson ou encore Rasmus Anderson.
Tout ça a du sens à différents degrés.
Mais, pour ma part, je préfère parler d’Alex Pietrangelo, car c’est très exactement ce défenseur qu’avaient en tête les dirigeants du CH lorsqu’ils ont arrêté leur choix sur Reinbacher en juin dernier. C’est du moins ce qu’on comprend à partir de la fameuse vidéo issue des coulisses du repêchage à partir de la 10e à la 13e minute :
Alex Pietrangelo, lui aussi droitier, a été choisi au 4e rang en 2008 et présente, tiens, tiens, tiens, un gabarit semblable à Reinbacher de 6’3, 215 lbs.
Pour la petite histoire, on notera que Pietrangelo ne s’est définitivement établi dans la LNH que deux ans après son repêchage. Comme quoi même les défenseurs élites repêchés dans le top-5 ne font à peu près jamais le saut dans la LNH à 18 ans…
Même si au niveau du look, ils ne se ressemblent pas tellement sur la glace, quand on analyse Reinbacher, son physique, sa mobilité, la simplicité, l’efficacité de son jeu, on retrouve sensiblement les mêmes qualités fondementales que chez le défenseur des Knights qui, à 33 ans, se dirige sans trop faire de bruit vers le Temple de la renommée.
Tout ça pointe donc vers un défenseur de première paire, capable de jouer régulièrement 24-25 minutes par match.
Là où l’Autrichien m’a agréablement surpris au camp de développement et encore plus au tournoi des recrues et au présent camp, c’est au niveau de ses qualités offensives. Michal Krupa et Billy Ryan en font d’ailleurs mention dans la vidéo.
Reinbacher voit bien le jeu et manie la rondelle avec aisance, tout en douceur, sans nervosité, avec une belle assurance (composed). Ça lui permet de bien patrouiller la ligne en avantage numérique et de faire d’impressionnantes lectures de la défense adverse, comme ici :
#Habs Josh Anderson banks in loose puck for goal vs #Devils
Assists: Reinbacher, Newhook #GoHabsGo #NHL #Hockey @RocketSports pic.twitter.com/7PHcdBFpnv
— Chris G (@ChrisHabs360) September 26, 2023
Disons qu’on est loin de Jared Tinordi au même âge!
Si, comme au camp de développement, on pense éventuellement le jumeler à Lane Hutson et qu’il mérite sa part de minutes sur l’avantage numérique, on croit que Reinbacher pourrait un jour, comme Pietrangelo, récolter une cinquantaine de points par saison dans la LNH.
Mais si jamais on réserve le gros du jeu de puissance à Lane Hutson, ce ne serait pas la fin du monde. N’oublions pas que Reinbacher a d’abord et avant tout été repêché pour son QI défensif supérieure à la moyenne et son jeu complet dans les trois zones à forces égales.
Ses performances en Ligue nationale Suisse et à l’international, autant chez les juniors que chez les seniors, ainsi que sa personnalité, ont très certainement donné suffisamment d’assurance aux autres décideurs de la Flanelle pour qu’ils le préfèrent à de nombreux attaquants talentueux et prometteurs au 5e rang du dernier repêchage.
Qui ne voudrait pas pouvoir compter sur un aigle pour patrouiller la patinoire (à partir de 0:50)?
On a sûrement jugé qu’il y avait moins de points d’interrogation entourant le développement de Reinbacher que celui de Michkov, et peut-être aussi ceux de Benson (qui connaît un gros camp à Buffalo!) et Leonard, pour ne parler que de ceux-là.
De notre côté, c’est le camp des recrues et le camp principal du CH qui nous donne le plus d’assurance que Reinbacher atteindra son plein potentiel dans la LNH dans un avenir plus que raisonnable tellement son jeu est mature pour son âge.
Dans les 30 dernières années, on ne se rappelle pas d’avoir vu un jeune de 18 ans aussi solide sur la patinoire. Son aplomb rappelle celui du jeune Andrei Markov, débarqué à Montréal en 2000 à 21 ans.
Reinbacher n’a tout simplement pas de défaut majeur et il semble même au-dessus de la moyenne dans à peu près tous les aspects imaginables.
Au plan psychologique, Reinbacher est un jeune homme brillant, posé et sympathique. Une vraie bonne personne, un vrai dauphin, comme il le dit lui-même! Le genre qui se porte volontaire pour ramasser les rondelles après la pratique, avec le sourire, comme on l’a vu faire à Brossard en juillet.
Il n’a peut-être pas le côté blagueur et cocky de Slafkovsky, mais il semble lui aussi avoir ce qu’il faut entre les deux oreilles pour réussir dans le marché montréalais.
On aime particulièrement, son humilité, sa sincérité et sa lucidité. Par exemple, lorsqu’il dit qu’il ne veut pas se mettre de pression, juste jouer sa partie, être lui-même, il joue effectivement comme un gars calme qui joue son match. Mais il ne joue pas timidement pour autant ; il tente et réussit un paquet de bons jeux, présence après présence.
Très solide, Reinbacher…
Après notre analogie du gâteau au chocolat, certains pourraient avoir eu l’impression que Reinbacher paraîtra fade à comparer à Hutson.
Or, cette impression est fausse. On vous l’a dit, il y a aussi du sucre en masse dans le jeu de Reinbacher!
Si un bon gâteau présente une belle consistance, Reinbacher, lui, présentera une belle constance et un jeu complet.
À défaut d’être spectaculaire comme Hutson, Reinbacher fera tout bien avec une facilité déconcertante, du jeu intelligent et robuste en défense, à la passe lumineuse en attaque, en passant par une lecture du jeu sans faille, « élite » selon les dires de Martin St-Louis.
Chez le Tricolore, on souhaite sans doute que Reinbacher devienne le grand stabilisateur de la défensive, le Pietrangelo, et, comme on l’a dit, on voit certainement en lui le partenaire idéal pour Lane Hutson.
S’il permet à Hutson de s’épanouir et de jouer avec confiance dans son rôle de dynamo offensif en assurant ses arrières, ça lui conférera déjà une grande utilité.
Mais la vérité, c’est que Reinbacher sera bon avec n’importe qui et qu’il fera beaucoup plus que d’assurer les arrières de ses partenaires.
Si on tient à garder le droitier Caufield du côté gauche de l’avantage numérique, Reinbacher pourrait aussi bien être celui qu’on voudra utiliser sur la première unité du jeu de puissance, devant Hutson et n’importe qui d’autre.
Pour ceux qui rêvent à Mailloux, lui aussi un droitier, il aura sans doute sa chance sur l’avantage numérique, mais je le trouve moins brillant, moins habile avec le disque et moins bon passeur que Reinbacher. À suivre…
À terme, l’Autrichien pourrait donc devenir le défenseur le plus utilisé de l’équipe. Déjà présent dans toutes les phases de jeu en Suisse à 18 ans, c’est pas mal la même chose qui l’attend à Montréal, où il est appelé à devenir le véritable défenseur #1 du club.
Ce n’est pas compliqué : le CH s’est dit que pour gagner à long terme, il aura davantage besoin d’un défenseur complet comme Reinbacher que de n’importe quel autre type de joueur. C’est pourquoi il obtient un ahurissant score de 28/30 en utilité/rareté.
Dans quelques années, quand le jeune noyau sera rendu à maturité, on verra s’ils ont eu raison de penser cela.
En Reinbacher ils ont opté pour une muraille défensive qui peut produire des points.
Que peut-on vouloir de plus d’un arrière?
La valeur des jeunes défenseurs prometteurs de 6’3 est toujours très élevée et, à partir des échos du dernier repêchage, on a appris que Reinbacher avait plusieurs admirateurs parmi les équipes de la LNH.
On sait que les Coyotes l’auraient très certainement repêché au 6e rang. Plutôt que de se tourner vers un attaquant, ils ont choisi le gros défenseur russe, Dimitry Simashev…
On sait aussi que quelques équipes avaient essayé de transiger avec le CH qui repêchait au 5e rang.
Mais, on connait la suite, le CH ne voulait rien savoir de perdre la chance de le repêcher.
Et il ne risque pas plus de dire oui à un échange l’impliquant avant très longtemps…
Si la rumeur est vraie, Hughes et Gorton auraient déjà établi que sa valeur était supérieure à celle d’un des plus prometteurs gardiens de sa génération en Yaroslav Askarov.
Ça donne déjà une petite idée…
Si on se projette un peu dans l’avenir, disons dans 2-3 ans, établir la valeur d’échange de Reinbacher, sera un peu comme si les Wings mettaient Moritz Seider sur le marché là-là.
Les Wings accepteraient-ils, disons, Trevor Zegras en retour de Moritz Seider?
Pense pas.
Donc, dans cette logique, dans les souliers de Kent Hughes, je serais sans doute très tenté d’échanger un Kaiden Guhle pour Trevor Zegras et son potentiel de 80 points par saison, mais je refuserais catégoriquement l’échange si on me demandait Reinbacher.
C’est ça pour moi, la valeur de Reinbacher : supérieure à celle d’un futur gardien élite et supérieure à celle d’un joueur vedette à l’attaque.
David Reinbacher est le joueur ayant obtenu le plus haut score depuis que nous classons les espoirs à partir d’une note sur 100 en 2021. Et même si on remonte au temps où notre système attribuait 40 points, personne ne s’était approché d’un pourcentage de 92,5 %.
À nos yeux, et semble-t-il aux yeux du Tricolore, l’Autrichien a donc véritablement le profil d’un futur défenseur élite dans la LNH. Un véritable #1.
Il possède entre les deux oreilles un processeur hockey que seul Lane Hutson peut approcher dans l’organisation du Tricolore, à la différence que le processeur de Reinbacher opère à plein régime dans les trois zones, comme l’aigle qui survole, la montagne, la forêt et la plaine.
Avec son gabarit plus avantageux et sa mobilité dans toutes les directions, c’est cette ensemble qui au final donne l’avantage à Reinbacher sur le jeune Américain dans ce décompte.
Bien sûr, il se peut que Hutson enregistre régulièrement des saisons de 60, voire 70 points, qu’il devienne une supervedette à la Quinn Hughes, et que Reinbacher, comme Alex Pietrangelo ne franchissent jamais la marque des 60 points.
Mais qui ne prendrait pas une carrière comme celle-ci, ornée de deux Coupes Stanley, de la part du jeune autrichien?
En somme, Reinbacher nous apparaît comme le plus bel espoir de l’organisation depuis Carey Price en 2005, et comme pour ce dernier, le CH a présentement le luxe de ne pas précipiter son arrivée avec l’équipe.
Mais le moment venu, Hutson et lui pourraient bien former l’un des meilleurs duos en défense de la riche histoire du Canadien de Montréal.
On reconnecte très bientôt avec un retour post camp d’entraînement de notre top-15. Qui aura gagné quelques rangs? Qui aura descendu? Y aura-t-il des nouveaux visages qui s’inviteront dans le top-15?
En attendant, vous pouvez (re)lire notre série d’articles :
Promotions et mentions honorables
Positions 15 à 13 (Farrell, Mesar, Heineman) et une « wild card » (Lias Andersson)
Positions 12 à 10 (Fowler, Mailloux, Xhekaj)
Positions 9 et 8 (Engstrom et Barron)
7e position : Joshua Roy
6e position : Alex Newhook
5e position : Owen Beck
4e position : Kaiden Guhle
3e position : Juraj Slafkovsky
2e position : Lane Hutson