Tout a commencé avec une intervention de Jean-Charles Lajoie.
Raphaël Lavoie : «Ce qui me bogue, c’est le spin négatif autour de lui» – Jean-Charles Lajoie. (Via @QubRadio) https://t.co/ToYsf3vhjB
— Le Journal de Montréal (@JdeMontreal) May 21, 2019
Lajoie contestait la croyance générale selon laquelle au quinzième rang, les Canadiens devaient éviter Raphaël Lavoie, le top espoir de la LHJMQ au prochain encan.
L’animateur coloré répondait aux experts indépendants de la twittosphère, qui estiment que Lavoie est unidimensionnel. Tant pis si Lavoie ne sait que marquer, estime-t-il.
« Je m’en fous-tu moi que c’est tout ce qu’il sait faire. Si c’est tout ce qu’il sait faire, ben ça t’en prend un », peut-on lire dans l’article du Journal de Montréal.
D’entrée de jeu, il faut souligner que Jean-Charles Lajoie ne se méprend pas en indiquant que Raphaël Lavoie est sous-estimé. Comme l’a mentionné plus tôt mon collègue Christian Matte, en plus de remplir le filet adverse, le Chamblyen est un bon fabricant de jeu, un bon patineur pour son gabarit et un habile manieur de rondelle.
Le problème, c’est que rien n’indique que ce que Lavoie parviendra à transposer ses prouesses de la LHJMQ dans la cour des grands.
Un couteau à deux tranchants
Tout d’abord parce qu’il est mature physiquement. Une capacité qui lui permet de dominer dans une ligue d’ados.
Épier un espoir costaud n’est jamais une mince tâche pour un recruteur. Est-ce que le joueur ciblé accumule des points en tassant ses adversaires, en se rendant dans les zones payantes grâce à son gabarit? Et dans ce cas, pourra-t-il faire de même dans la LNH? Son niveau d’intelligence sur la patinoire pourra-t-il compenser pour cette domination physique diminuée?
C’est un débat éternel. Julien Gauthier en faisait l’objet lors du repêchage de 2016.
Machine à marquer, il s’était distingué avec 41 buts en 54 matchs lors de son année recrue. Comme Lavoie, il mesurait 6 pieds 4, mais pesait 30 livres supplémentaires.
Voilà comment l’assistant entraîneur-chef Dominique Ducharme le décrivait à l’époque:
« Par la manière dont, il patine, c’est un train. Il n’est pas seulement gros, il est rapide. C’est d’autant plus difficile de l’arrêter parce qu’il a du talent. Il n’a pas vraiment de faiblesses. »
Les Hurricanes l’avaient finalement choisi au 21ème rang.
S’il est toujours possible que Gauthier se fraie un chemin dans la LNH, avec du recul, les Canes auraient probablement préféré parier sur d’autres espoirs avec plus de faiblesses apparentes.
Genre les petits Alex DeBrincat et Sam Steel ou le longiligne Henrik Borgstrom.
Le débat sera le même avec Lavoie. Préfèrera-t-on miser sur des espoirs qui n’auront peut-être jamais les qualités physiques pour aller dans la LNH, mais dont le potentiel global semble plus haut?
Des jours trompeurs
Autre point en commun entre Julien Gauthier et Raphaël Lavoie: leur âge au moment du repêchage.
C’est que Lavoie est né seulement 10 jours plus tard que Semyon Der-Arguchintsev, plus jeune espoir sélectionné au dernier encan.
Il s’en est fallu de peu pour qu’il soit éligible au repêchage de 2018… et ça compte certainement dans la balance
Serron Noël, un espoir au gabarit similaire, est né un mois et deux semaines avant Lavoie. Il a donc été sélectionné au dernier encan.
Ce sont les Panthers de la Floride qui ont appelé son nom au 34ème rang. Noël venait d’accumuler 53 points en 62 parties, bon pour une moyenne de 0,85 par match.
Lavoie, lui avait amassé 0,93 point cette année-là. Cette année, les deux joueurs ont presque produit au même rythme. Noël a amassé 1,19 point par match, alors que Lavoie, 1,18.
Au-delà des statistiques, les comparaisons des recruteurs entre les deux hommes se ressemblent: coup de patin puissant, capacité à marquer et à utiliser leur gabarit pour se démarquer contre des hommes…
Lavoie aurait-il été sélectionné au 15ième rang l’an dernier? J’en doute.
Un point d’interrogation majeur
Tout cela nous amène à un terrain glissant. Une pièce secrète dans laquelle on ne préfèrerait pas entrer, mais qui est essentielle aux succès futurs d’une sélection.
L’attitude.
Dans le cas de Lavoie, il serait trop facile de lier les méfaits du père au fils.
Et surtout injuste.
Contentons-nous donc de parler de ce que peut contrôler Raphaël. Ses actions sur la patinoire. Ses relations avec ses coéquipiers, ses entraîneurs. Son ardeur au travail.
Niveau intensité , l’ancien entraineur-chef du Drakkar de Baie-Comeau, Martin Bernard, croit que Lavoie s’est amélioré.
« Sur la glace, il apparaît plus engagé collectivement, envers son équipe. C’est sûr qu’il y a une évolution », a-t-il confié à Guillaume Lefrançois, de La Presse.
Dans le même article, Lavoie explique que sa manière d’agir avec ses coéquipiers n’a jamais constitué un problème.
« J’ai toujours joué pour les gars. L’an dernier, ç’a été plus difficile, on avait moins de chimie, mais je ne pense pas que c’était moi, le problème. C’était autre chose. On a réglé ça tous ensemble. »
Mais sincèrement, il y a des signes qui ne mentent pas.
Haussements d’épaules, gestes des bras, retour au banc au ralenti… parfois, le non verbal de Lavoie sur la patinoire en dit long.
Gestion de risque
Au-delà de tous ces drapeaux rouges se cache le facteur québécois. Le choc post-traumatique de la sélection de Louis Leblanc, effectuée sous la pression populaire. Le désir de voir arriver un sauveur à saveur locale, en oubliant de sélectionner le meilleur joueur disponible.
Effectivement, c’est un piège dans lequel il ne faut pas tomber.
À l’encan, il faut choisir le meilleur joueur disponible et rien d’autre, peu importe la position. Pas seulement un bon joueur ou un joueur avec un potentiel intéressant. Le meilleur.
Ce joueur, est-ce Lavoie?
C’est la seule question qui compte.
Prolongation
– Je n’ai pas parlé dans mon article des déclarations d’Yvon Pedneault, qui considère que Raphaël Lavoie est un meilleur espoir que Jesperi Kotkaniemi. C’est irrationnel. Nul besoin d’en dire plus.
– Alexandre Pratt a dressé le profil du capitaine parfait cette semaine dans La Presse. Sa conclusion? Zdeno Chara cadre parfaitement dans ce moule. À la lecture de ces lignes, le nom d’un autre capitaine m’est venu à l’esprit : Shea Weber. Dites-moi que Weber ne possède pas l’une des qualités énumérées par Pratt…
https://twitter.com/alexandrepratt/status/1133688930312884224
– Juin s’est pointé du nez, ce qui signifie la sortie de listes en vue du repêchage. Bien que j’admire ceux qui osent se mouiller, lancer leurs prédictions, je ne le ferai pas. Simplement parce que cette année, je n’ai pas vu tous les espoirs en action. Toutefois, je dois avouer avoir un petit coup de coeur…